[dropcap]I[/dropcap]l y a deux ans, le label touche-à-tout Born Bad Records étonnait en mettant en lumière Pierre Vassiliu avec la sortie de la compilation Face B (1965-1981). Attirée par sa pochette, conçue par Camille Lavaud, j’eus soif d’en apprendre plus sur la musique de ce bonhomme moustachu et ventru que je méconnaissais. Il était selon moi l’auteur d’un tube unique, une potacherie sans grand intérêt.
Bien m’en prit, je ressortis de l’écoute du disque complètement gaga, éblouie par la richesse de ses musiques et la qualité de ses textes parfois très grivois. Un énorme coup de cœur pour ce disque qui, je l’avoue, ne quitte plus ma platine depuis et ne cesse de me poser question à chaque écoute. Comment a-t-on pu tourner le dos et ignorer si longtemps ce génie dont la créativité et l’appétit de vie semblaient insatiables et aller de pair ?
Deux ans plus tard, Born Bad Records continue de rendre justice au talent de Vassiliu en sortant une deuxième compilation, intitulée En Voyages. Elle balaye 35 années de la carrière musicale du bonhomme en s’intéressant au globe-trotter qu’il était.
Ayant vécu un peu partout, les compositions de Vassiliu se sont en effet nourries des musiques locales, faisant de lui un véritable précurseur de la world music.
« Chaque fois qu’on voyageait quelque part, on était attiré par la musique. Pierre prenait le rythme du pays où on était et trouvait une chanson. » explique sa femme Laura.
On croise l’amour de Vassiliu pour les musiques brésiliennes sur Initiation, le titre d’ouverture, une bossa nova où le chanteur, accompagné du Trio Camara, s’interroge sur les secrets du pays. Puis sur J’ai trouvé un journal dans le hall de l’aéroport et la facétieuse Qu’il est bête ce garçon, où sa femme Laura chante sur le refrain.
On débarque sur les îles avec Spider Man, une comptine écrite sous la dictée de son fils Clovis et la chanson Moustache, un titre en mode autoportrait où Vassiliu exprime son amour pour la maloya réunionnaise.
L’homme a aussi vécu longtemps au Sénégal, tenant un club de jazz-restaurant à Dakar. C’est tout naturellement que les musiques du continent africain ont nourri son appétit musical. Sur le titre Ça va ça va, il s’essaye avec bonheur à l’afrobeat nigérian, accompagné de Tony Allen, le batteur de Fela Kuti, aux percussions. Il flirte ailleurs avec le soukous sur l’entraînante Noix de cola. L’attitude méprisable des touristes blancs en Afrique lui inspire l’acerbe Mange pas les bras, un titre de free jazz planant aux accents sénégalais, où le piano de Frank Wuyts fait merveille.
Ses multiples voyages l’ont tourné également vers la funk américaine. Par son mélange de jazz et de rythmiques noires, elle est sans doute la musique qui synthétise le mieux tout ce qui émoustillait la créativité de Vassiliu. Elle lui inspire Viens ma belle, chanson écho à En vadrouille à Montpellier, présente sur la compilation précédente. Véritable hymne à la liberté sensuelle, le titre devance de 5 années les tentatives funkys de Gainsbourg sur You’re Under Arrest auquel il fait penser, même si Vassiliu, à travers ses textes, s’établit en contrepoint lumineux et jouisseur de la vie d’un Gainsbarre aux idées noires.
La funk lui fait produire les deux chefs-d’œuvre de la compilation. D’abord, Pierre bats ta femme, inspiré de l’album Head Hunters de Herbie Hancock, qui époustoufle l’auditeur avec son groove de folie et le brio des choristes féminines sur la fin du morceau. Puis le trip intérieur de L’oiseau, où l’on suit le récit d’une rêverie hallucinée, bercé par la section de cuivres et les vapeurs du haschisch évoqué dans le titre.
Je suis assis sur la crête d’une vague et je me suis laissé glisser jusque sur la plage où j’ai atterri debout sur un château de sable criblé de souterrains humides, et sur mon piédestal fragile entre mon seau et ma pelle, entre mon joint et ma guitare, je me dis que le bonheur n’existe que dans l’amour fou : on dit que les fous ont besoin d’amour, aussi vite que les chats ont besoin de lait.
Ces quelques paroles résument bien ce qui transparaît dans tout le disque. L’exploration des 12 titres esquisse le portrait d’un hédoniste, dans toutes ses dimensions. Les plaisirs de la chair et des drogues douces parsèment les morceaux du griot Vassiliu, jouisseur invétéré de musiques du monde qui écrivirent les partitions de sa vie simple aux quatre vents.
En Voyages est un disque somptueux dans lequel il est urgent d’embarquer pour fuir ces temps gris et moroses !
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En Voyages de Pierre Vassiliu
sorti le 5 décembre 2019 chez Born Bad Records
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Image à la une : Collection personnelle