[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#285563″]C[/mks_dropcap]ette fois-ci, ils n’auront pas osé le changement de nom. Qui n’aura pas déversé sa petite analyse sur ce blaze modifié ? Le premier fut source d’admonestation par les ayatollahs du bon goût. Les canadiens allaient se plier à la vindicte sans pour autant opter en faveur de plus de noblesse. Viet Cong était devenu Preoccupations mais seules les fanfreluches paraissaient préoccuper (le mot est lâché) la petite industrie du rock indé.
Si le premier album homonyme permit de dévoiler un curriculum vitae rapidement apprivoisé, nul ne pourra renier une valeur ajoutée tirée essentiellement d’un excellent finish. À ce titre, et en son temps, notre prolifique plagiste dressa l’éloge de Death, morceau époustouflant qui marquait au fer un final déjà bien agrémenté. Tout le monde se rappelle encore de la doublette Continental Shelf – Silhouettes. (Récit complet à retrouver ici)
Sans avoir vraiment eu le temps de souffler, le quatuor originaire de Calgary enchaînait avec un second LP également homonyme (vous suivez toujours ?) tiraillé d’un esprit quelque peu plus sombre et qui pouvait souffrir d’une carence d’attractivité, faute d’arrondissement des angles. Certes, on gagnait en grossissement des aspects bruts de leur musique mais avec, pour revers de la médaille, la sous-jacente sensation d’écouter de simples démos. De toute manière qui s’en souciait ? (à l’exception d’un autre camarade de plume qui en fit la très juste dissection à relire ici)
Le terrain étant désormais défriché, le contexte extérieur et ses dommages collatéraux plus ou moins purgés, la petite bande se remis donc à l’ouvrage. En ce début de printemps 2018, notre riche actualité ne pouvait s’affranchir d’un retour plutôt enthousiaste à l’encontre de New Material.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#285563″]E[/mks_dropcap]n guise de délire fantasmé, je me suis imaginé Matt Flegel devant un jury de télé-crochet. Nulle chance de voir la clique des « experts » se retourner pour vanter les mérites de son organe. Non, la voix de notre chanteur n’est pas de cet acabit. Ici, la prose est crachée et donne du relief à des titres désormais plus aboutis, toujours garnis en filigrane d’un post-punk bien plus enjoué qu’il n’y paraît.
Les coups dans la tôle résonnent et la rythmique fiévreuse d’Espionage renvoie à une succulente new wave absorbée de givre. Les claviers ont beau être un poil cheap, la basse au taquet emporte le tout jusqu’au refrain calibré sur un jeu où deux voix se répondent. Une technique qui a toujours fait ses preuves en matière de dynamisme. Le modèle pourrait être jugé comme parvenu mais l’entame est redoutablement efficace et parvient illico à inoculer le remède idoine à un disque marqué par plus de maîtrise sans néanmoins abandonner un caractère qui fit, et fait encore, la renommée de nos intéressés.
L’obsession en bas du manche est en marche avec Decompose qui reflète une batterie toujours aussi nerveuse et habile. Mike Wallace, par son toucher vif et génialement déstructuré reste indéniablement le gros plus apporté au groupe. L’impression générale est moins rugueuse mais ne perd pas de ses appétences aventureuses. Sur l’échiquier d’un mélange de genres maintes fois dupliqués, Preoccupations, sans exiger la moindre couronne, ne veut être ni un pion ni un fou. L’illustration parfaite pourrait se tramer dans l’évidence de Disarray, pièce maîtresse de la galette avec ses faux airs curistes (et je ne parle pas de thalassothérapie). Une météorite qui se frotte à l’air et brûle en pleine vitesse avec ses guitares filandreuses venant placarder un gimmick plongé dans l’hélium. On se demande alors d’où peut provenir un tel désarroi ? Idem lorsque déboule Solace dont la basse volubile entichée d’une gratte insistante magnifient un esprit frais bien que tortueux.
La révolution de style ne serait donc pas au rendez-vous, le groupe se contentant d’affiner une expérience grandissante pour attirer dans ses filets de nouveaux disciples ? Le présent constat pourrait légitimement leur être affublé, bien que l’argument puisse être renvoyé à tout Shadok en herbe venu pour pomper une sève aussi juteuse que repassée dans des boucles insondables. C’était sans compter Antitode, plage assez géniale, aux timides mais sincères influences afro-cubaines. Preoccupations y explore de nouveaux horizons, plus pimentés, plus colorés même si l’exécution demeure tendue et nourrie des habituels vecteurs noirs. Un virage contrôlé qui s’achève dans un leitmotiv hypnotique. Le seul titre qui dépasse (tout juste) les 6 minutes sur une liste déjà resserrée. Bref, le joyau sensoriel justifiant l’évocation agitatrice qui préfigure le titre même de l’album.
La clôture de New Material sera bien plus climatique. Tout d’abord, le saisissant Doubt et son phrasé aussi lent que le tempo accompagnateur d’accords tenus à l’infini. Une réussite totale histoire de faire redescendre la température de quelques dizaines de Fahrenheit. La logique d’ordonnancement sera également la bienvenue puisque le titre final enfoncera le clou sur cette veine glaciale. À la suite, Compliance s’avère en effet être aussi piquant que le blizzard. Un aboutissement sensationnel qui vient parachever un nouveau chapitre qui devrait, à n’en pas douter, devenir l’objet de nos futures occupations.
Preoccupations sera en concert le 11 juin à Paris à La Maroquinerie.
New Material de Preoccupations
Sortie le 23 Mars 2018 chez Flemish Eye /Jagjaguwar
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