Depuis 2010, le Prix littéraire de la Porte Dorée, créé par Élisabeth Lesne dans le cadre des activités du Musée de l’histoire de l’immigration, « récompense un roman ou un récit écrit en français traitant du thème de l’exil« . Cette année, c’est Sylvain Prudhomme avec Les Grands (Gallimard / L’arbalète) qui succède à Julien Delmaire (Georgia, Grasset) et avant lui Mathias Énard, Henri Lopes, Michaël Ferrier ou encore Alice Zeniter.
Quelque peu à l’écart du grand battage médiatique des récompenses d’automne, et comme l’explique Julien Delmaire, un prix qui « échappe totalement aux pressions d’ordre extra-littéraire et se concentre sur l’essentiel : le texte et la langue ». Une certaine idée de la littérature donc, défendue tous les ans par un Jury accompagné par au moins deux classes de lycéens, toujours soucieux d’une écriture à la hauteur des enjeux du monde contemporain.
Barz a réalisé un reportage pour Addict-Culture :
Prix de la Porte Dorée 2015 par addictculture
Nous avons également rencontré Julien Delmaire, lauréat de l’an passé :
En 2014, tu étais le cinquième lauréat du prix littéraire de la Porte Dorée avec Georgia, peux-tu nous parler de ce que représente pour toi recevoir un prix littéraire, et plus précisément la signification que tu accordes au prix littéraire de la Porte Dorée ?
Julien Delmaire : Un prix littéraire, surtout quand on vient d’écrire son premier roman, c’est quelque chose d’assez euphorisant et en même temps, d’un peu intimidant. Souvent les jurys des prix sont composés d’écrivains et de journalistes donc « d’auteurs ». On est en quelque sorte jugés par ses pairs et c’est un autre type de lectorat, plus attentif, peut-être, au travail sur la langue, sur les structures narrative, sur la matière même de l’écriture. Le Prix de la Porte Dorée était le prix dont je rêvais pour Georgia mon premier roman, en être lauréat a été un moment rare et puis, très concrètement, — car les écrivains ne vivent pas que d’encre et de rêves — les quatre mille euros du Prix m’ont permis d’écrire mon second roman avec un peu plus de sécurité économique et donc de sérénité créative.
Peux-tu nous présenter ton parcours d’écrivain ?
Julien Delmaire : J’ai débuté en lisant mes poèmes sur des scènes slam en 2001. Ensuite j’ai publié plusieurs recueils de poèmes, j’anime des ateliers d’écriture et je continue à performer mes textes sur scène un peu partout dans le monde. J’adore ce rapport physique à la poésie qui se déploie sur scène et je prend très au sérieux cette expérience de transmission à travers les ateliers. Je suis venu au roman assez tard, quand je me suis senti prêt. Aujourd’hui, l’écriture romanesque me stimule au plus haut point, même si, à la façon d’un artisan, j’ai toujours la sensation d’apprendre et c’est tant mieux, je ne crois pas au génie inné, je crois à un long et passionnant travail de création fait d’exaltations et de découragements. L’écriture d’un roman c’est une parenthèse de haute intensité qui prend une place incroyable dans la vie quotidienne d’un auteur, sur de longs mois, parfois de longues années. C’est tout à la fois un gouffre et un sommet, un fardeau et une libération. Bref, c’est puissant.
Cette année tu faisais partie du jury, tu as donc vu les deux facettes de cet événement, qu’as tu retiré de cette expérience ?
Julien Delmaire : Faire partie du jury auprès de personnes de cette qualité m’a permis de confirmer l’impression que j’avais déjà. Le Prix Littéraire de la Porte Dorée est un prix qui échappe totalement aux pressions d’ordre extra-littéraire et se concentre sur l’essentiel : le texte et la langue. En plus, cette année les lycéens membres du jury étaient formidables, ils ont su imposer leurs voix au milieu de nous et je dois les féliciter pour leurs fougues et leurs argumentaires !
Dans ton dernier livre, Bogolan, paru aux éditions Le Temps des Cerises, tu abordes encore la question de l’exil, mais à travers un recueil de poésie. Pourquoi ce choix, que te permet la poésie que ne te permettrait pas la forme du roman ?
Julien Delmaire : La poésie est le domaine de l’expérimentation, le sens et la musique s’y confondent, c’est un laboratoire, mais ce n’est pas aseptisé c’est quelque chose d’organique et de sanguin, ça parle au corps, ça vient du corps et ça retourne au corps . Quand j’écris des poèmes, je cherche à produire des sensations, des ressentis, des stimuli presque physiques engendrés par des images mentales. Le roman exige des structures plus rigides, même si j’adore disloquer les structures quand j’écris de la prose. En fait, pour être honnête, je ne fais pas vraiment de différence entre prose et poésie, j’écris toujours des poèmes mais que je déplace dans une forme qui est celle du roman et les contraintes formelles du roman, sont autant de défis et de casse-tête à résoudre. J’aime le roman parce qu’il m’oblige à me remettre en question, à retrouver une forme d’artisanat dans l’écriture, le roman m’impose une discipline terrible dont je ne me croyais pas capable.
Pour en savoir plus : Site officiel de la cité de l’immigration
Hélène et Barz