Dumont en auteur de comédie, c’est à peu près aussi crédible qu’un janséniste pétomane.
Les gueules cassée, l’accent lardé à l’opinel, la ruralité âpre, tout est là. Et on s’esclaffe.
Le comique est partout : dans le démarrage de la voiture des gendarmes, dans un enterrement d’anthologie où ne finit jamais l’introduction de l’orgue, et où l’on s’amuse à se prosterner à répétition devant l’hôtel, dans la tronche impayable du capitaine, la liberté insolente des petits voyous à vélo et leurs pétards, les bastons pastorales et la façon dont les vieux mettent la table, à savoir en balançant la vaisselle.
Dans l’enquête elle-même, puisqu’il s’agit de tronçonner des vaches qui, comme les porcs, bouffent les humains, et de tenter de philosopher sur le mal qui, comme la mer, s’étend à perte de vue à mesure que les cadavres s’accumulent en famille.
On imagine bien vite les motifs du comique, éclat de supériorité sur les consanguins d’un autre âge : il n’en est rien. D’une empathie totale avec ses personnages, Dumont sait toujours maintenir l’équilibre entre la satire et la tendresse. Les amours de jeunesse de Quinquin, le chant d’une adolescente, la vigueur des regards : tout est d’une justesse imparable. A cela s’ajoute la force habituelle de sa mise en scène, la beauté des paysages et la maîtrise formelle des plans d’ensemble : qu’il filme un blockhaus dans l’herbe verte, une voiture immergée, une route dans les champs, Dumont a cette puissance de l’évidence qui ne se dément pas depuis La vie de Jésus.
Si les épisodes 3 et 4 subissent un léger fléchissement par rapport au coup d’éclat des deux premiers, l’atmosphère est toujours aussi séduisante. Les paliers de plus en plus assumés dans le grotesque et l’audace permettent un décrochage de la convention du polar pour un final en suspens, à l’image des séquences parmi les plus belles : celle d’un temps figé, où ne reste que la contemplation des êtres fragile face à la bouffonne condition humaine et animale.
Allah Akbar !