J’ai encore en mémoire le choc tout à fait personnel, intime et violent à la fois, que j’ai reçu le jour où j’ai écouté, pour la première fois, un titre de PUMICE.
Au détour d’une compile faite pour faire découvrir de la musique aux potes, entre deux Pop-Songs, était logée cette tempête sonore appelée Greenock, vraisemblablement écrite pour moi. Une sorte de blues halluciné et bruyant, aux feedbacks exacerbés comme autant de lames plantées dans les chairs.
Peu de temps après, j’ai donc fait l’acquisition de Pebbles, l’album dont était issu Greenock.
Cette scène en marge où la richesse mélodique s’accorde clairement avec la rugosité des paysages
Pumice, c’est le One-Man-Band de Stefan Neville, qui nous vient de Nouvelle Zélande, terre hostile pour certains, et paradis terrestre pour d’autres. Géographiquement, je ne sais pas comment la situer, cette terre; Je n’ai jamais mis les pieds là-bas… Par contre, musicalement, on y croise de nombreuses réussites. Et Stefan Neville fait partie de cette scène en marge où la richesse mélodique s’accorde clairement avec la rugosité des paysages que j’ai pu voir sur de nombreux clichés.
Attention, PUMICE, ça pique. Et ça tangue, même. Si tout commence assez calmement avec Eyebath rock’n roll lo-fi déglingué, puis un Bold/on murmuré au piano et aux guitares crachouillées, les choses vont vite dégénérer. Il faut dire que Stefan Neville a la fâcheuse tendance d’user largement du feedback mais aussi de la saturation. Dans les voix, les guitares acoustiques, les pianos, ou les orgues barbares. Tout y est filtré, malaxé, investi jusqu’à la moelle, pour former une sorte de magma sonore aux entournures parfois improbables.
Lorsque vient le tour de Greenock, on a déjà un peu le goût de l’aventure, mais rien ne nous a vraiment préparé au cataclysme. Sorte de blues désespéré sur lequel court un larsen quasi permanent, où navigue un orgue aux sonorités totalement déglinguées, Greenock vous embarque sur un radeau de fortune en pleine tempête. La production est sèche et inhospitalière, pas de basse pour donner une profondeur, non, chez PUMICE, on prend tout dans la gueule ! De plein fouet. Plus le morceau progresse et plus l’agression se développe. Mais ne vous fiez pas aux apparences, ce titre est, pour qui parvient à pénétrer dans cet univers, un tire larmes harassant. En effet, en milieu de morceau, le navire chavire, se voit emporté, et l’ensemble plie sous le poids de l’émotion et du boucan. Parfois l’ensemble sonne légèrement bancal, pour ne pas dire faux, mais là encore, ce n’est qu’une impression et la musique de Stefan Neville finit toujours pas retomber sur ses pieds.
Une beauté céleste à vous glacer le sang
L’album continue sous les mêmes signes, avec des titres plus concis, et plus rock, mais la danse saturée qui habille chaque morceau ne cesse d’onduler. Et puis vient la pièce de choix du disque. Cette pièce qui, forcément va vous embarquer ou vous débarquer. PUMICE vous emmène dans une croisière qui ne s’amuse plus du tout. Stefan Neville nous pose sur des terres arides, sans vie apparente, où le paysage désertique s’annonce comme étant la seule issue possible. Une longue marche funèbre de 11 minutes, Spike/Spear, construite sur des nappes d’orgues fracassés, où s’entrechoque en fond sonore le tintamarre de la couleur assassine des dernières heures annoncées. Ce morceau est une épreuve, vous emportant dans une réflexion sonore…
Suis-je encore de ce monde ? Inutile de vous dire que ceux qui parviendront jusqu’au bout du chemin, aussi peu nombreux soient-ils, toucheront du doigt une beauté céleste à vous glacer le sang. Cette longue échappée se termine dans une sorte de chaos sonore indescriptible qui vous ramène peu à peu à la réalité. Ensuite, Stefan Neville nous fait vivre une promenade troubadour, toujours bancale, mais apaisée. On peut alors penser que les choses vont se calmer. C’est sans compter sur l’hystérique The Only Doosh Worth Giving, dont la mélodie, tout de suite identifiable est noyée sous une marée de larsens, de guitares agressives et de batterie lo-fi. Onion Union s’envole vers des nappes expérimentales où là encore se croisent feedbacks et autres sonorités bruitistes. Les huit minutes qui bâtissent ce titre seront sans doute pour certains une épreuve de plus, mais si on se laisse une fois de plus enlever par la puissance de cette musique qui vous tord l’âme et le cortex, alors le bruit et la fureur ne seront que caresses.
L’album se termine sur le même mode qu’il avait commencé. Une guitare acoustique très saturée et un piano en apesanteur. De longs espaces entre les notes, et un souffle permanent qui rappelle que le bonhomme fait tout, tout seul, enregistrant sa musique avec des guitares bidouillées, enregistrant sa voix sur des dictaphones et autres appareils de fortune, loin de tout confort.
PUMICE a à son actif de nombreux albums, tous indispensables sans exception, mais ce Pebbles reste cher à mon cœur. On y croise autant de bruit, de douleur que de beauté majestueuse. Une synthèse de la vie en quelque sorte.
PUMICE sur le site du label Soft Abuse – Facebook