[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e printemps est là, le petit oiseau au début du clip magnifique du tout nouveau morceau de RADIOHEAD Burn the witch l’annonce de son pépiement joyeux !
Publié le 3 mai et déjà à plus de 12 millions de vues ! C’est peu de dire que cette sortie est un ÉNORME événement.
Tout commence le 1er mai : Radiohead disparaît de la Toile. Pendant qu’en France des manifestations ont lieu contre la loi travail El Khomri, le groupe efface tout contenu de son site officiel et de ses comptes de réseaux sociaux, ne laissant plus que pages vierges et images blanches (j’ai toujours trouvé que c’était assez fascinant de réaliser tout ce qui se passe au même moment partout dans le monde, et d’une certaine façon comment tout est connecté ensemble.) La veille, quelques fans anglais avaient reçu un prospectus portant la mention « Sing a song of sixpence that goes/Burn the Witch/We know where you live », ainsi que le logo du groupe. Mais c’était pour mieux envahir les réseaux quelques jours plus tard avec la publication surprise de ce premier single Burn the witch.
“ Stay in the shadows
Cheer at the gallows
This is a round up”
» This is a low flying panic attack
Sing a song on the jukebox that goes
«
Quel morceau ! Avec son clip animé, bouclé en quelques jours par le réalisateur Chris Hopewell. Inspiré de la série pour enfants sixties Trumpton, la vidéo puise aussi visuellement dans le film fantastique culte The Wicker man de 1973 avec Christopher Lee. Le créateur explique que Radiohead voulait prendre position sur la crise des réfugiés: « faire porter le chapeau à différentes personnes… Notamment les Musulmans et la négativité qui pouvait donner le sentiment de chasse aux sorcières ».
Ainsi dans ce clip un petit village tout mignon fait subir les pires tortures à ses citoyens, en les empoisonnant, en les asservissant au travail, en réduisant leurs libertés individuelles. La boucle est bouclée quand on comprend toute la dimension politique contenue dans la musique de Radiohead. Alors que partout dans le monde s’élèvent des mouvements citoyens contre ce pouvoir oligarchique, Radiohead continue de dénoncer en filigrane dans sa musique, ses textes ou ses actions, l’immobilisme de la société et l’absurdité d’un système arrivé à bout de souffle. Est-ce ce sous texte permanent enfoui sous la poésie de Thom Yorke qui révèle l’universalisme contenu dans leur musique ? Je ne sais pas. Pour moi Radiohead reste plein de mystères, comment arrivent-ils ces cinq-là à toujours se réinventer en composant des chansons parfaites ?
“ Do not react
Shoot the messengers ”
» Burn the witch
Burn the witch
We know where you live «
Comme une hirondelle annonce le retour de ses pairs, Radiohead n’en reste pas là et dévoile dans la foulée 3 jours plus tard Daydreaming, plus de 5 millions de vues en cinq jours au moment où j’écris ces lignes, ballade absolument divine, du désenchantement vers l’apaisement, le clip est cette fois-ci réalisé par Paul Thomas Anderson, Thom Yorke passe de maisons en maisons, ouvre des portes, erre dans des parkings et autres lieux désincarnés, traînant son désenchantement avant de trouver ce qu’on pense être la sortie, mais qui se révèle un retour dans le lieu primal que représente la caverne, réchauffé par les flammes d’un feu de bois.
Le moins que l’on puisse dire c’est que Radiohead revient en force ! L’album est annoncé le même jour pour le dimanche 8 mai et c’est avec l’émotion d’un adolescent que j’ai écouté ces nouvelles perles venus tout droit du paradis. Les cinq d’Oxford après 5 ans d’absence, et un The King Of Limbs qui n’avait pas fait l’unanimité, montre des acteurs soudés qui se retrouvent avec bonheur, ressourcés par leurs activités en solo, et proposent avec ces deux morceaux extatiques à la fois quelque chose de familier et de nouveau. Peut-être aussi du au fait que l’on retrouve quelques morceaux joués en live auparavant.
24 ans depuis Creep en 1992… quelle trajectoire pour ce groupe devenu incontournable ! Toujours audacieux, surprenant, déroutant pour certains notamment avec le virage électro en 2000 sur Kid A, lorgnant parfois vers des expérimentations hasardeuses mais en perpétuelle évolution. Après tant de mutations musicales, je n’attends plus rien que de découvrir avec une certaine hystérie contenue leurs nouvelles créations. Et l’émotion est au rendez-vous, intacte, sans cesse renouvelée.
L’album s’appelle A Moon Shaped Pool et c’est un disque absolument génial dans tous les sens du terme ! Il commence par Burn the witch qui officie parfaitement dans sa fonction de premier morceau de l’album : entraînant et très efficace. Suivi de Daydreaming qui nous emmène complètement ailleurs en quelques secondes, mais qui finira par révéler après plusieurs écoutes, une chanson que l’on fredonne très facilement en fait. C’est un peu souvent comme ça je trouve chez Radiohead, leur musique au départ peut prendre les reliefs d’une certaine forme de résistance, cela demande réellement de se poser, et c’est aussi ça que j’aime dans cette approche, prendre le temps, pour se laisser emporter. On s’enfonce vers l’inconnu avec Decks dark qui suit de façon assez homogène, une voix égrenée sur un piano et qui s’envole à 1’30 avec des choeurs et une rythmique presque swing, et à 3’20 j’imagine Jonny (Greenwood) en train de bidouiller de petits sons comme il avait commencé à le faire très tôt et surtout à partir d’Ok Computer (1997). Très bon morceau donc.
« And in your life, there comes a darkness
And a spacecraft blocking out the sky
And there’s nowhere to hide
You run to the back and you cover your ears
It’s the loudest sound you’ve ever heard
In your darkest hour »
Puis suit Desert Island Disk, petit riff de guitare tranquille sur laquelle la voix de Thom vient se poser et qui à 2’30 révèle un morceau puissant qui rentre tout de suite dans la tête. Petit bémol sur la durée du morceau j’en aurais voulu un peu plus, que ce dernier couplet se prolonge un peu comme un mantra tellement c’est bon.
» Waking up from shutdown
from a thousand years of sleep
in you… you know what i mean
standing on the edge of.. you know what i mean
different types of love are possible «
Les détracteurs diront que ce n’est pas très joyeux jusque là, je leur répondrais que c’est Radiohead qu’on écoute et que leur identité a toujours eu ce quelque chose de sombre mais exaltant, triste et joyeux comme peut l’être la vie, alors il y a ceux qui aimeront et les autres qui n’aimeront que peu ou pas du tout, comme la vie… Personnellement, un groupe qui depuis tant d’années arrivent à faire des chansons aussi simples, aussi belles, aussi facilement identifiable au sens où on les fait sienne comme si elles faisaient parties de notre histoire depuis toujours, je ne peux que dire : merci ! Merci parce qu’à tous les niveaux, savoir que des mecs comme eux existent dans un monde où il fait froid en ce moment, ça fait un bien fou.
On enchaîne avec l’hypnotique Ful Stop avec lequel Radiohead revient au rock par la porte dérobée empruntée à l’électro, c’est puissant, psychédélique, hyper contemporain, c’est le son de 2016, perché à souhait, on a envie de se laisser aller, ne plus en revenir, c’est assurément une pièce maîtresse dans les futurs concerts, tellement hâte de les revoir sur scène…
« You really messed up everything
But you can take it all back again
Strike up what’s in the box
Why should I be good if you’re not ? »
On revient au piano au début du morceau suivant direct. Ok j’avoue s’ils avaient enchaînés sur quelque chose d’aussi énergique j’aurais pas détesté non plus on ne va pas se mentir, mais pourtant Glass Eyes est une belle chanson, assez triste, ça m’a fait penser à Perry Blake et ses ballades mélancoliques pour le film Presque rien de Sébastien Lifshitz.
Identikit est une chanson parfaite aussi, une belle évidence tout de suite, la montée avec les choeurs est jouissive; bon j’avoue que je l’avais vu passer en live sur le Net, et j’espérais que ce morceau sorte sur album, c’est chose faite. Radiohead a exaucé ma prière. Et on l’aura j’espère en concert si j’arrive à y aller (c’est devenu infernal d’acheter une place de concert en 2016. Il y aurait un jour un gros coup de gueule à pousser sur tous ces sites illégaux de revente !).
The Numbers autre pièce maîtresse de l’album a plusieurs petites montées, avec le retour des violons, il y a presque quelque chose d’une B.O. de film sur les deux dernières minutes et le final. Radiohead a dit qu’il ne céderait plus à la facilité des fin en apothéose sur la voix et l’émotion, les 30 dernières secondes seront donc des notes éparses de piano avec comme l’effet d’un jouet qu’on remonte, toujours les bidouillages de Jonny que j’affectionne tant.
Mon seul bémol de l’album pour l’instant est le morceau suivant, Present Tense qu’ils avaient déjà joué en live aussi, une sorte de ballade mélange de folk et de bossa nova qui devient intéressante si on écoute tous ces petits sons électros expérimentaux qui surgissent de façon impromptus et qui lui donne un tout autre éclairage; surtout attendre un peu quand la chanson décolle à 3′ avec l’arrivée ensuite des choeurs, elle prend un sens plus noir sous ses airs de gentille ballade et au final n’est pas si mal que ça (vous l’aurez compris même quand je n’aime pas un morceau, je l’aime quand même).
« In you I’m lost
In you I’m lost
I won’t turn around when the penny drops
I won’t stop now
I won’t slack off
Or all this love
Will be in vain »
Tinker Tailor Soldier Sailor Rich Man Poor Man Beggar Man commence de façon lourde et hasardeuse, puis sa texture s’enrichit de violons, ça part crescendo pour redescendre avec des sons dissonants, lancinants, des boucles à l’envers, les violons qui n’ont pas dit leur dernier mot, puis une bonne trentaine de secondes encore de bidouillages à la Jonny à la fin. Un très grand morceau qui réussit le pari toujours fou de Radiohead entre l’évidence et l’expérimentation.
Pour terminer sur le piano qui reprend un ton plus haut sur le sublime True Love Waits qui clôture l’album et que l’on connaît déjà puisqu’il était sur le live I might be wrong qui date de… 2001. Mais dans cette version Thom Yorke état seul au piano, là il est accompagné de son groupe et si vous n’aviez pas encore versé une larme sur les précédentes, cette chanson vous fera vaciller, elle est d’une beauté à couper le souffle. Intemporelle. Universelle.
« And true love waits
In haunted attics
And true love lives
On lollipops and crisps
Just don’t leave
Don’t leave »
A Moon Shaped Pool est un grand et bel album de Radiohead pour sûr ! Il y a peu d’artistes comme eux où j’ai vraiment envie de me poser pour écouter l’album en entier et quel moment d’extase complet ! Je me revois quand je les ai découverts au tout début, et c’est avec une vraie connivence que je les vois grandir et que je grandis avec eux depuis presque un quart de siècle, ça apaise un peu la souffrance d’avoir perdu David Bowie en début d’année, de me dire que je suis aussi un contemporain de Radiohead.