[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n terminant Carnaval, le premier ouvrage de Ray Celestin, je me disais bien que cela pouvait ressembler à une série. Mascarade le confirme. Nous retrouvons avec plaisir des personnages connus: les détectives Ida Davis et Michael Talbot, accompagnés par leur ami Louis Armstrong, encore jeune jazzman.
Changement de décennie et changement de ville également. Exit La Nouvelle Orleans, l’intrigue se situe à Chicago. En 1928, la prohibition fait rage et dans cette ville en pleine croissance, plusieurs gangs font la loi, notamment celui d’Al Capone. D’autres personnages plus ou moins importants arrivent dans Mascarade. Et Ray Celestin nous brosse un portrait de chacun d’entre eux.
Certes, Mascarade est un polar et un bon mais l’auteur va plus loin.
Le prologue, quand rien n’est encore en place, est un régal de lecture. L’arrivée de Louis Armstrong dans la ville, le racisme qui lui crève les yeux, la peur et l’immensité d’une ville industrielle, lui qui débarque de La Nouvelle Orleans, encore un peu innocent.
Autre chapitre étonnant, celui consacré à Al Capone. Sa visite clandestine dans une petite ville perdue pour voir un médecin. Au plus près du truand, de ses sentiments, de sa maladie, de sa folie. Celestin arrive presque à le rendre sympathique sur quelques pages avant que sa folie ne reprenne le dessus.
L’auteur offre également de vraies scènes d’action, parfois difficilement supportables tant il va loin dans ses descriptions physiques de certaines blessures. L’expérience de Carnaval nous rappelle cela.
Mais ce n’est pas tout, c’est même loin d’être tout. C’est ce qui fait de Mascarade un excellent roman. Celestin nous offre une analyse de chacun de ses personnages qui deviennent familiers. Nous vivons l’histoire avec eux. Nous connaissons leurs failles, leur histoire, leur passé.
Mascarade propose une enquête dans les milieux mafieux et bourgeois de la ville où toutes les compromissions et entourloupes sont possibles. Une mère, grande dame de la ville, cherche sa fille, disparue sans laisser de trace. Elle engage nos deux détectives de l’agence Pinkerton. Michael l’homme blanc, marié à une femme noire et père de trois enfants et Ida, jeune métisse qui subit elle aussi le racisme ordinaire, sauf de la part de son partenaire. Tous deux se lancent à corps perdus à la recherche de la jeune Gwendolyn.
Et puis, parallèlement, il y a un incroyable nouveau personnage: Dante. Ancien de La Nouvelle Orleans, exilé à New-York après un drame effroyable qu’il traine avec lui encore dix ans plus tard. Capone le rappelle auprès de lui car il pense avoir une taupe dans son équipe.
Deux enquêtes par différents personnages donc. Une troisième, menée par un homme proche de la rupture. N’ayant pas réussi à entrer dans la police, il travaille avec elle en tant que photographe sur les meurtres. Et un photographe un peu en avance sur son temps.
Tout ce beau monde se démène. Des liens que nous ne soupçonnons pas vont apparaitre petit à petit.
Psychologie, meurtres, enquêtes, disparition, guerre des gangs, racisme, descriptions politiques d’une ville rongée par la corruption et jazz. Tous ces thèmes se mélangent dans les différents chapitres. Ray Celestin nous piège complètement et nous entraine à sa suite dans un grand roman.
La postface est tout aussi intéressante sur la construction du roman et surtout nous apprend que Mascarade n’est que le deuxième tome d’une série de quatre. Le suivant ? Nouvelle décennie, 1940, et nouvelle ville, New-York, pour une parution probable en 2018. Je l’espère et l’attend de pied ferme !
Mascarade de Ray Celestin, traduit de l’anglais par Jean Slamowicz, édition cherche midi, février 2017