Alors que se profile le Festival International de Bande-Dessinée à Angoulême (FIBD), du 30 janvier au 2 février, Addict-Culture vous propose de revenir sur quelques titres ayant marqué l’année 2024 : échelonnée sur 3 semaines, cette séance de rattrapage se conclura par un focus sur des BD sélectionnées au FIBD.
Le Voleur d’amour de Yannick Corboz – Glénat – Novembre 2024
Magnifiquement adapté en BD par Yannick Corboz, dessinateur, peintre et illustrateur, Le voleur d’amour (Glénat) est une adaptation d’un roman de l’avocat, scénariste et romancier Richard Malka. L’ouvrage est à la fois une ode aux sentiments, un conte maléfique, une tragédie romantique, d’une grande beauté graphique.
La bande-dessinée est impressionnante. Par son grand format tout d’abord. Par le fait aussi qu’elle compte 200 pages, habillées d’esquisses au trait fin, respirant l’élégance et le raffinement. Il fallait au moins cela pour nous inciter à suivre, avec une dose de répulsion et un soupçon d’attachement, le parcours ensanglanté d’Adrian van Gott, immortel voleur d’amour.
Une malédiction ayant accompagné sa naissance, cet être mystérieux et mal-aimé, va se rendre compte, l’adolescence venue, qu’il possède un pouvoir incroyable : en s’approchant d’autrui, il se nourrit de leur amour et découvre leur vie passée, riche de saveurs épicées ou délicates.
De ce don, il réussit à faire une force qui le rend quasiment invincible et lui offre de traverser les siècles, de 1780 à nos jours, des beaux quartiers de Venise aux tours de Manhattan. Mais cet élixir de vie, aussi précieux soit-il, prive ses victimes de toute ressource, les laissant exsangues et déprimées, au point de provoquer leur perte. Voilà qui plonge régulièrement Adrian dans l‘effroi.
Au crépuscule de sa fuite éperdue, il croise le chemin d’Ana, réincarnation de Clélia, qui fut sa première rencontre amoureuse. De passion et de sang mêlé, leur histoire commune tentera de sauver ce qui peut l’être. Une descente aux enfers vertigineuse, où l’amour se révèle omniprésent. De quoi satisfaire l’appétit de bédéistes jamais avares de belles planches et de grandes histoires.
Ava Gardner par Emilio Ruiz et Ana Miralles – Dargaud – Octobre 2024
Quarante-huit heures dans la vie d’Ava Gardner : c’est ce que nous offrent les 112 pages de cette bande-dessinée parue chez Dargaud, signée Emilio Ruiz au scénario et Ana Miralles au dessin. Nous y suivons les pas de la star américaine au Brésil, où elle débarque en 1954, à l’issue d’une tournée triomphale, pour le film La comtesse aux pieds nus.
Quand elle arrive à l’aéroport de Rio, en cette belle journée du mois de septembre, Ava Gardner se prépare à y être accueillie par une foule en délire. Si ce n’est que le délire confine rapidement à la bêtise et à la vulgarité. Une main aux fesses par ci, une bousculade par là et la reine Ava s’en trouve bien malmenée.
Il en sera ainsi tout au long de son séjour, au cours duquel la presse ne lui fait aucun cadeau et la harcèle jour et nuit, tandis que le studio américain qui produit le film, se régale en coulisse des scandales vite montés en épingle, toujours bons pour le business. N’en déplaise à la principale intéressée, connue par ailleurs pour son intransigeance et son caractère bouillonnant.
Femme de caractère certes, Ava Gardner fut aussi une actrice talentueuse (nommée aux Oscars pour son rôle dans le film Mogambo). Du talent, il lui a fallu beaucoup pour exister sur les plateaux de cinéma, des années 40 à la fin des années 80, autrement qu’en attirant le regard. Miss Gardner était si belle, si ténébreuse et si amoureuse de la vie et des hommes, qu’elle dû lutter toute sa vie pour échapper à leur influence et à leur emprise.
C’est sur cette personnalité de femme iconique et fragile que s’attarde la bande-dessinée, le temps d’une tranche de vie aussi intéressante que soigneusement dessinée, dans un décorum très réaliste et documenté.
Globe-trotteuses de Julien Voloj et Julie Rocheleau – Dargaud – Octobre 2024
Défier Philéas Fogg, le héros de Jules Verne, en bouclant un tour du monde en 80 jours : c’est le pari tenté par deux femmes américaines que tout oppose, en 1887. Globe-trotteuses (Dargaud) nous raconte cette folle épopée, portée par le scénario sans temps mort de Julian Voloj et le graphisme dense et coloré de Julie Rocheleau.
Le plus fou là-dedans, c’est que tout est parti d’une histoire vraie. Alors qu’elle vient d’accéder à la célébrité en ayant passé dix jours dans un asile psychiatrique pour mieux en dénoncer les travers, la journaliste d’investigation Nelly Bly – première femme grand reporter au monde – réussit à convaincre son journal de financer un voyage autour du monde.
Pas tant pour se prélasser et profiter des paysages – ce n’est pas le genre de son tempérament impatient et volcanique – que pour battre le défi romancé par Jules Verne : le faire en moins de 80 jours. Au départ très sceptiques, en raison du fait que gagner un tel pari « est impossible pour une femme », les patrons du World se laissent finalement convaincre, miroitant par ailleurs la bonne affaire : raconter un tel voyage, voilà qui va attirer l’attention et faire vendre du papier !
Mais la concurrence ne l’entend pas de cette oreille. À son tour, le Cosmopolitan dépêche une femme de caractère, issue d’un milieu huppé et bourgeois, pour battre Nelly Bly (de son vrai nom Elizabeth Jane Cochrane). Tandis que celle-ci va prendre la direction, depuis New-York et en bateau, de San Francisco, pour ensuite rallier Londres puis Amiens, Elizabeth Bisland va quant à elle quitter la Grande Pomme à bord d’un train express postal pour San Francisco, via Omaha et Nebraska. Huit jours plus tard, elle arrivera au Japon, à Yokohama.
C’est avec beaucoup d’intérêt et d’amusement que l’on suit les pérégrinations des deux concurrentes qui, dans un monde dominé par les hommes, font valoir que les femmes ont du talent et de l’audace, nous permettant aussi au passage de découvrir les caractéristiques géographiques, historiques ou socio-économiques des pays traversés.