[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]éelle, c’est une plongée dans le monde télévisuel et sociétal des années 90/2000. Fin d’un siècle, naissance d’un autre. Naissance également d’un nouveau type d’émissions, tout droit venues des USA, et que l’on nomme télé-réalité. Derrière ce concept apparemment antinomique (comment faire cohabiter réalité et son contraire), se cache un dieu émergent, le dieu Audimat.
Johanna, l’héroïne du roman de Guillaume Sire, est une jeune fille comme bien d’autres. Issue d’une famille de la classe moyenne, elle vit avec ses parents dans l’une de ces banlieues pavillonnaires où toutes les maisons se ressemblent, du dedans comme du dehors. Dans le salon , qui est semblable à celui de tous les voisins, la télé trône, allumée quasiment en permanence. C’est ainsi que grandit Johanna. C’est ainsi qu’elle bâtit ses rêves de gloire, de lumière, de paillettes, de strass, d’autre chose. Errant de petits boulots en petits boulots, elle attend le coup de pouce du destin. Celui-ci se présente sous les traits d’un producteur qui lui propose de participer à une émission novatrice en France, petite sœur du Big Brother américain.
C’est ainsi que Loft Story fait son entrée dans des millions de foyers, c’est ainsi que Johanna espère voir sa vie transformée, en mieux.
La réalité sera tout autre, et le réveil bien difficile. En effet, comment vivre et aimer à nouveau quand on n’est plus filmé, quand on n’est plus dans ce faux cocon protecteur, quand on retrouve la vraie réalité, le quotidien ?
Johanna est terriblement attachante, toute faite de failles, de fragilité, d’une certaine naïveté. Elle rêve de devenir « quelqu’un ». Comme si elle n’était personne. Comme eux tous, dans le fond, qui rêvent de célébrité, au risque de se brûler les ailes.
Guillaume Sire dépeint avec cynisme, humour et une grande tendresse les dérives de la trash tv, cette télé-poubelle, qui, depuis le Loft, n’a cessé de faire des émules, s’enrichissant sans cesse d’émissions du même acabit. Il dénonce le mépris et les humiliations infligés à ces jeunes, bien souvent fondus dans le même moule, jetés en pâture à un monde cruel et bien peu à même de sortir les griffes, car sélectionnés en fonction de leur piètre niveau de réflexion.
On plonge avec stupéfaction dans les coulisses d’un monde faussement réel, d’une époque où les chaînes de télévision se multiplient comme des petits pains, privilégiant souvent le voyeurisme au mépris de l’information. Flashback sur une époque non révolue.