Internet, c’est tout de même un outil formidable. Un jour que je m’adonnais à l’une de mes marottes, les pépites musicales oubliées, je tombe sur une pochette de disque datant de 1975. Le chanteur avance un physique avantageux, une espèce de croisement entre Julien Clerc période poissons morts et un Caetano Veloso juvénile. Son nom : Richard Gilly. L’album : Les Froides Saisons. C’est bizarre, le type ressemble à mon père, du moins à cette époque. Tout cela pique ma curiosité évidemment et c’est donc avec un certain entrain que je me décide d’aller voir plus loin.
Premier réflexe, Youtube, sans trop de conviction mais sait-on jamais après tout. Bingo. Je tombe sur quelques titres. Je regarde par la fenêtre, la météo est on ne peut plus maussade, nous sommes pourtant un 23 juin. Je jette mon dévolu sur la face B d’un 45T intitulé Il Pleut Dimanche, ballade acoustique aux arrangements soignés et au texte poétique propre à l’époque.
Hey, mais c’est pas mal me dicte mon ami imaginaire. Je cherche donc à en savoir plus. Bonne nouvelle, il existe un site web approprié. Ô surprise, il y a 6 albums répertoriés, enregistrés entre 1971 et 2002. Plus de 30 années de chansons, qui, sans lui faire injure, ont traversé le temps mais vraisemblablement pas tant d’oreilles que ça. Autant d’opiniâtreté me pousse à aller encore plus loin. Quelques internautes vantent une chanson parue en 1971, Je Ne Suis Pas Un Grand Fermier. Malheureusement, je ne trouve aucun lien d’écoute. Dans la foulée, j’apprends aussi qu’une de ses chansons avait été interdite d’antenne en 1977 pour cause de « grossièretés », en pleine révolution Punk. Franchement, ça ferait rire aujourd’hui mais il n’empêche que la plupart des programmations de l’époque étaient tenues par la censure, ce qui fait que le titre en question, Va Lui Dire Que C’est Une Conne, passait dans des programmes dits « alternatifs », après 23 heures. En 2002, Richard Gilly réenregistrera ce titre pour l’album Des Années D’Ordinaire, produit par Freddy Koella, ex-collaborateur de Willy De Ville, dans les studios de Daniel Lanois à La Nouvelle-Orléans, excusez du peu.
Qu’est-il devenu ? Est-il toujours actif ? Quelle est donc son histoire ? Je retrouve sa trace sur les pages d’un célèbre réseau social. L’homme bouge encore, il vient d’ailleurs tout juste de sortir un nouvel album, Les Contes De La Piscine Après La Pluie… Je me décide donc à tâter le terrain. Hop hop hop, on fait ami-ami et la conversation s’engage, de manière très agréable. Extraits….
Bonjour Richard. Ta biographie te décrit comme étant un artiste assez pluridisciplinaire : chanteur-musicien, sculpteur, peintre. Pourrais-tu décrire ton parcours pour ceux qui ne te connaissent pas ? Quelles furent tes influences au début de ta carrière ? J’ai lu que Bob Dylan était une évidence, mais j’imagine qu’elle ne fut pas la seule ?
Mon père était choriste à l’Opéra, j’ai donc été bercé par la musique classique, et puis Verdi, Puccini, et autres italianeries… mais il aimait beaucoup Jacques Brel. Ado, je l’accompagnais à la guitare quand il l’interprétait dans les cafés. Donc Brel pour les textes. Dylan, Graham Nash, Joni Mitchell, James Taylor, Tom Waits.. pour la musique de l’époque. Mais je suis fan de Cassandra Wilson, Chet Baker, Idiot wind, Chris whitley, Fink, Willis Earl beal, Grey Révérend…
Pourquoi ce long hiatus entre le précédent album, « des années d’ordinaire », sorti en 2002, et ce nouvel album, les contes de la piscine après la pluie ?
En 2002 j’ai écrit et composé « Vincent, ou l’homme à l’oreille coupée » Fresque musicale en trois actes, retraçant les deux dernières années de la vie de Vincent Van Gogh. J’ai ramé pendant plusieurs années pour qu’elle voie le jour… sans aboutir. Des promoteurs ont rasé les courts de tennis où j’enseignais. Du jour au lendemain, sans job, je me suis replié sur l’écriture, et j’ai essayé d’éditer un livre disque numérique pour enfants, intitulé « Cap’tain ». L’histoire retrace le combat inégal opposant les baleines et les hommes au fil des siècles. Sans revenus, j’ai trouvé un boulot à mi-temps dans une épicerie…
D’où vient ce titre, » les contes de la piscine après la pluie » ?
Je suis resté plusieurs années auprès de ma mère atteinte de la maladie d’Alzheimer… des images, des mots, des sentiments.
Sur cet album, tu as bénéficié de l’apport non-négligeable de Freddy Koella, qui a connu le succès comme guitariste de Cookie Dingler dans les années 80 et qui fut aussi (surtout) le guitariste de Willy De Ville ou encore de Zachary Richard entre-autres. Comment est née cette collaboration ?
J’ai découvert Freddy à l’Olympia, il accompagnait Willy De Ville. Il passait de l’électrique au violon, de la mandoline à la guitare, et avec quel talent ! Ayant un tout petit budget sur « Rêves d’éléphant » je l’ai engagé et il a rejoué mes parties de guitares : car je ne peux pas jouer avec un clic dans le casque !! Nous avons plus qu’accroché, nous sommes devenus amis, et au fil des années, il a fini par produire mes deux derniers albums…
Puisque l’on parle de succès, tu l’as apparemment presque touché du bout des doigts avec l’album « rêves d’éléphant ». Les problèmes de FNAC Music à l’époque en ont décidé autrement. Des regrets ?
Des regrets… Juste un : le fait que l’arrêt de la promotion, donc des droits d’auteur, ait retardé la mise en route des albums suivants. J’ai toujours travaillé comme un artisan, réinvestissant mes droits d’auteur dans mes nouvelles créations.
Tu es aussi professeur… de tennis. Comment arrive-t-on à concilier l’art et le sport à un bon niveau ? Aurais-tu plusieurs vies ?
J’ai eu des enfants très jeune et j’ai toujours gardé un travail pour assurer au moins leurs repas. Enfant j’ai trop vu la Bohème à l’opéra pour jouer à l’artiste. Mais je ne peux pas vivre sans créer… quel bonheur !!!
Pour finir, que peut-on souhaiter à Richard Gilly, l’homme, en 2015 ?
Que ton article m’aide à réamorcer la pompe pour pouvoir en faire un Huitième !
C’est tout le malheur que je te souhaite. Merci Richard
Merci David, à très bientôt
Les Contes De La Piscine après la pluie, le septième album de Richard Gilly, est disponible à la vente depuis le 15 mai. Pour se procurer l’album en CD, vous pouvez prendre contact avec lui sur sa page Facebook. L’album est disponible aussi à la vente sous format numérique via son Bandcamp. Jetez-y une oreille attentive. Il se produit aussi parfois en concert. Guettez son éventuel passage près de chez vous. Comptez sur nous pour vous tenir informés.
Un très bel article sur un artiste atypique que je ne connaissais pas il y a un an …
Beaucoup de poésie dans ses textes à tiroir et une musicalité que l’on trouve très rarement.
J’ai découvert Richard GILLY au début des années 70 et depuis il reste l’un de mes deux chanteurs français préféré Merci à vous de parler et de faire causer mon ami Richard. Son nouvel album est truffé de pépites.
Pour info, mon autre préféré s’appelle Marc SERVERA. N’hésitez pas à découvrir ses chansons aux textes incroyables.
j’ai le 45t « je ne suis pas un grand fermier » qui fut bien classé à Europe 1 l’été 71, autour de la 12è place….Une pépite inoubliable dans une année inoubliable…Il a illuminé mes 15 ans; j’ai « acheté « rêves d’éléphant » en 93, c’est aussi un très bel album, un peu noir quand même….la vie est passée par là…