[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#1e73be »]E[/mks_dropcap]n voici un superbe album pour l’été ! Je vous fais la promesse qu’il satisfera vos envies de rêves et d’ailleurs. Il vous prendra par la main et vous (r)accompagnera jusqu’aux magiques rivages de l’enfance, lorsque vous jouiez aux explorateurs et aux pirates. Peter Sis part d’une photo de lui enfant qu’il a retrouvée, déguisé en Robinson Crusoé, pour nous raconter avec tendresse et brio l’admiration d’un petit garçon pour ce héros. Le dessin, comme toujours avec Peter Sis, est une merveille : fin, regorgeant de délicieux détails à scruter, se parant de couleurs à la fois douces et profondes – ah, ce bleu…-, il nous plonge dans des voyages imaginaires dont on voudrait ne plus rentrer. Célébrant les jeux et les récits d’aventures, Robinson régale petits et grands avec une poésie aussi bienfaisante et légère qu’un rayon de soleil ou qu’une bulle d’écume.
Si vous ne connaissez pas encore Peter Sis, Robinson est une formidable porte d’entrée dans son œuvre. On y retrouve ses thèmes de prédilection : les voyages, l’exploration de mondes inconnus, les cartes et mappemondes, les différences et richesses entre les cultures et les êtres, la solitude et aussi l’attirance vers les autres. Son univers est tout entier voué à la découverte et à la puissance de l’imagination, comme en témoignent par exemple les albums suivants : Le Pilote et le Petit Prince ; Madlenka (petite héroïne d’un New York cosmopolite) ; L’arbre de la vie : Charles Darwin ; Le Tibet, les secrets d’une boîte rouge ; Le messager des étoiles : Galileo Galilei ; Les trois clés d’or de Prague ; Le mur : mon enfance derrière le rideau de fer (témoignage de son enfance à Prague durant la Guerre Froide). Né en 1949 en Tchécoslovaquie, il franchit les frontières en partant étudier jeune homme au Royal College of Art à Londres et en s’établissant aux États-Unis dans les années 80. Il a reçu le Prix Andersen en 2012 pour l’ensemble de son œuvre.
Robinson puise directement dans ses souvenirs d’enfance. Robinson Crusoé était l’un de ses livres préférés. Peter Sis était « émerveillé par l’histoire de ce naufragé perdu sur une île déserte et qui réussit à survivre simplement grâce à son intelligence et son habileté ». Pour Mardi-Gras, il décide de se déguiser en cet aventurier qu’il chérit tant. Mais un événement inattendu se produit le jour de la fête, alors qu’il arrive dans la cour de l’école, arborant fièrement son costume : ses camarades se moquent de lui ! Quel est donc ce gilet en fourrure, avec pantalon assorti, ce curieux chapeau, cette perruque hirsute alors qu’eux se sont déguisés en pirates ? Robinson Crusoé fait figure d’illustre inconnu et voici notre jeune héros désespéré, prenant les jambes à son cou. Il rentre chez lui et se réfugie dans sa chambre, inconsolable et soudainement fiévreux.
La tête le tourne et son esprit se met à dériver…En route pour l’aventure ! En pyjama et accompagné de son fidèle doudou lapin, les murs de sa chambre disparaissent et le voilà sur l’océan. Il navigue sur un bateau dont les voiles sont les pages d’un livre. Il finit par accoster sur une île fabuleuse où il devient Robinson. La faune et la flore sont merveilleuses. Cette île le console, l’accueille en son sein et lui permet de se faire bâtisseur, cultivateur, tailleur…
« (…) ces jours de naufrage solitaire m’avaient rendu plus fort. J’étais devenu le maître de ma propre île, j’avais à nouveau confiance en moi. »
Ce qu’elles sont belles ces pages qui montrent l’île ! Les couleurs jusqu’à présent douces, pastels, s’intensifient. Les illustrations s’étalent en pleine page, foisonnantes, remplies de promesses. Elles sont mystérieuses mais jamais inquiétantes. Les animaux, bienveillants, veillent sur le petit garçon. Cela m’a fait penser à des tableaux de Chagall : on retrouve cette profondeur, ce bleu et ces si belles couleurs, ces personnages qui dansent et ces détails qui racontent mille choses…
Beauté, rêve, émotion, et partage – puisque les camarades d’école finiront par accoster eux aussi sur l’île, attirés par ce nouveau jeu d’aventure – habillent élégamment et douillettement ce très bel album. Un album qui permet de se réfugier dans son jardin secret et dans les rêveries de ses lectures ; et qui permet d’explorer et de découvrir une nouvelle figure de héros. Mon petit garçon de quatre ans, qui ne jure que par les super-héros, a été happé par cette histoire et connaît maintenant Robinson Crusoé et les mystères de son île.
Voici un voyage que je vous conseille vivement d’entreprendre et n’hésitez pas à opter pour un aller-simple, cela fait tellement de bien…
Oh, merci pour cette très belle chronique ! ❤