Vous êtes un inconditionnel du British folk-psyché 60’s ? Vous n’arrivez pas à vous détacher du jazz ? Vous rêvez les réincarnations de Van Morrison, John Fahey, Tim Buckley et John Martyn dans une seule et même personne ? Ne cherchez plus, vous avez trouvé.
Ryley Walker, jeune Chicagoan de 25 ans, fait partie de cette nouvelle génération de musiciens qui va de Steve Gunn à Daniel Bachman, des gens qui essayent de dépoussiérer et reinventer le folk-rock sixties – seventies en manifestant leurs influences mais en nous disant aussi « on peut le faire aussi bien qu’eux ».
Le premier album paru en 2013, l’inspiré All Kinds Of You, n’avait pas vraiment réussi à renouveler le genre, la faute en incombant à une écriture assez académique, et ce malgré le fait que l’on flairait déjà que quelque chose d’intéressant se mettait en place. A charge du suivant de se démarquer du troupeau.
Affirmons-le tout de go : la mission est totalement accomplie en ce qui concerne Primrose Green. Les compositions sont comme invertébrées de par les directions free qu’elles empruntent. Les chansons décomplexées de Walker ont aussi un petit côté cérébral. Il n’est pas simple d’appréhender cet album débridé, même s’il est assez référencé. Les diverses influences ne se constituent jamais en un carcan inextricable. Ce disque est en quelque sorte une machine à remonter le temps* qui revisite avec bonheur la vague folk anglaise et américaine d’une décennie qui s’étale du mitan des sixties jusqu’à 1975 environ.
La mise en avant d’une section rythmique jazzy mélangée au jeu de guitare tout en fingerpicking de Walker nous invitent à une promenade bucolique toute en rêverie, par la grâce du renouvellement d’un genre musical au sein d’une industrie dominée par la linéarité et l’uniformisation. Love Can Be Cruel, probablement le climax de cet album, illustre parfaitement le propos. A toutes les influences citées ci-dessus vient s’y greffer le piano électrique d’un musicien qu’on sent fortement influencé par Joe Zawinul et/ou Chick Corea. Les connaisseurs ainsi que les auditeurs avides de (re)découvertes apprécieront. Le lead guitariste s’en donne à coeur-joie sur Sweet Satisfaction, qui se termine par une espèce d’improvisation totalement relâchée. Primrose Green, le titre éponyme, ainsi que sa jumelle All Kinds Of You, auraient pu figurer sans problème sur les hauts fait d’armes de Van Morrison tant l’influence positive de l’irascible Irlandais auteur de Gloria se fait jour. L’album se termine par une brève incantation folk à la Bert Jansch, ce Hide In The Roses qui nous ramène tout droit vers l’an de grâce 1965.
Amateur du genre, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Ryley Walker, Primrose Green, chez Dead Oceans depuis le 31 mars.
* Merci à Jism qui a su me donner une bouffée d’oxygène alors que je galérais sur ce passage délicat