[dropcap]D[/dropcap]ans les années 30, Georg prisonnier politique s’évade d’un camp en Rhénanie. L’auteure, Anna Seghers nous invite à le suivre dans ce chemin vers la liberté où il croise d’anciens amis, qui se révéleront à eux-mêmes, dans leur lâcheté ou leur héroïsme.
La narration descriptive d’Anna Seghers nous guide dans le quotidien de l’Allemagne, sombre et destructrice de l’âme humaine.
Anna Seghers nous offre avec La Septième Croix un récit descriptif de la fuite de Georg, prisonnier politique.
Le récit prend donc place dans les années d’avant guerre, en Rhénanie. Georg, Allemand antinazi a été emprisonné dans le camp de Westofen, dont il s’évade dès les premières pages, avec six autres compagnons. Petit à petit, ces hommes sont rattrapés par le pouvoir, et iront rejoindre les croix qui les attendent.
Georg, isolé, avance sur son chemin de vie, pour échapper à la septième croix, la sienne.
Ce chemin de fuite cabossé l’amène à revisiter sa vie, ses amitiés, ses amours, dans un brouillard épais.
La répétition de ce mot, brouillard, dans les cinquante premières pages du livre est entêtante comme pour mieux marquer l’horreur obscure de ces années et du quotidien des populations. Les SA nazis sont présentes, les jeunesses hitlériennes nombreuses, le port de la chemise brune rendue obligatoire pour pouvoir travailler : le nazisme s’installe dans le pays et dans les esprits.
Georg avance, erre, de maisons en fermes, de fermes en champs, de champs en chemins, il organise petit à petit sa fuite, un pas après l’autre. Georg avance, erre, de rencontres fortuites en anciennes amitiés. Ces personnages font le choix ou non de la solidarité, de l’action envers lui et se questionnent ainsi sur leurs propres sentiments, comme par exemple Franz, un ancien ami.
Entrer dans le récit d’Anne Seghers demande du temps, de la concentration pour s’immerger dans ce pas à pas.
Pour cela, la lecture doit se faire en continu, sans poser son livre trop longtemps, au risque de perdre le fil de ce quotidien détaillé.
L’auteure nous demande d’être au plus près, au millimètre, collé à ses personnages; comme pour les entourer de notre compréhension peut-être ?
On accompagne donc Georg et les autres protagonistes pas à pas, dans ce quotidien de fuite, de quête de liberté.
Rares sont les moments de grandeur, d’Histoire, alors que le récit se situe dans cette sombre partie de notre histoire : le nazisme. Quelques moments nous emportent et nous élèvent :
Il comprit qu’il était confronté à un vide sans fin, devant lui, au-dessus de lui, le vide, il éprouva alors un léger étonnement; le plus surprenant de tout fut peut-être qu’il en oublie un instant jusqu’à sa propre existence.
Parfois, l’Histoire nous surprend et nous fait prendre de la hauteur, nous ramène à l’essentiel de l’œuvre : la compréhension des mécanismes psychologiques face à l’oppresseur.
Puis le récit se retrouve immédiatement plongé à nouveau dans le pas à pas, dans cette description enivrante, qui parfois nous fait oublier le cœur du sujet : l’Histoire.
Les personnages eux sont nombreux, une polyphonie continuelle, ils cheminent au gré des pages, décrivant les forces et failles de chacun dans des temps troublés.
Anna Seghers nous amène à questionner la « moralité » et à nous questionner sur nos propres choix, décisions et responsabilités. Ses personnages sont-ils des héros, des faibles, des fous, des inconscients, des amoureux … ?
L’auteure nous permet de saisir les histoires humaines quand le pire se présente à nous : quels choix faire ?
Aujourd’hui, c’est le confinement lié à la COVID 19 qui nous amène à nous questionner sur la solidarité, le respect des autres, sur notre individualité, et donc sur nos choix, nos actions.
La responsabilité collective n’est que le reflet de la responsabilité individuelle. Nous sommes ce que nous faisons.
La puissance de ce récit se place dans ce message déposé avec parcimonie : l’action individuelle pour le bien de tous, vers la liberté.
Même s’il n’avait plus la force que d’un mouvement infime vers la liberté, ce mouvement dénué de sens, aussi inutile fut-il, il voulait l’avoir fait.
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La Septième Croix d’Anna Seghers traduit par Françoise Toraille
Edition Métailié, janvier 2020
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Image bandeau : Александр Жданенко / Pixabay