Après L’esprit de l’ivresse paru en 2013, livre très intriguant et surtout intransigeant dans son style et sa construction, 2015 marque le retour de Loïc Merle avec ce titre singulier Seul, invaincu.
Charles Zalik, le héros narrateur de ce roman est un militaire qui travaille en Afrique. Apprenant que son ami d’enfance et d’adolescence, Kérim San, souffre d’une grave maladie, il décide sur un coup de tête de venir le voir, dans la ville qui les a vus grandir : C. Ville de montagnes qui ne sera jamais nommée autrement que par cette initiale, ville que Charles ne voulait pas revoir malgré ce qui l’y rattache. C. comme Charles.
Ce retour aux sources ne se passe pas forcément dans les meilleures conditions. Charles n’est pas au mieux dans sa vie. Il a fui cette ville il y a longtemps maintenant. N’a-t-il fui que cette ville ? Son ami aussi ? Sa mère ? Le début du roman pose ces questions à travers les réflexions parfois cruelles, ironiques et empruntes d’honnêteté de Charles.
Quant au malade, Kérim San, sorte de gourou qui a posé sa patte sur tout un quartier, vivant de petits trafics, avec une cour autour de lui, il se révèle aussi fort dans la lutte contre son cancer que présent pour ses amis. Il permet à Charles, finalement déserteur, de se cacher et de vivre avec sa compagne dans une espèce de squat, rejoints par d’autres que Kérim aide.
Tous ces gens vivant plus ou moins ensemble finissent par échanger des anecdotes sur Kérim. Les masques tombent.
Finalement tout se joue entre ces deux personnages, sujets centraux du roman. Les autres ne sont que des acteurs secondaires. Kérim cherche Charles et Charles cherche Kérim. Une sorte de gémellité s’incarne en eux, entre eux. Peuvent-ils vivre l’un sans l’autre ? Charles parti pendant des années qui revient sans y réfléchir dès qu’il sait Kérim malade. Séparation puis retrouvailles dans la difficulté de la maladie.
Les dernières pages sont très belles. Le retour à l’enfance et l’explication des liens unissant les deux héros. La nostalgie et les regrets.
On retrouve en partie le style de L’esprit de l’ivresse en plus épuré, comme si l’auteur s’était débarrassé de son désir de bien faire, de bien écrire qui semblait le tenir dans son premier roman et qui en gênait parfois la lecture. Dans ce nouveau roman, l’écriture de Loïc Merle est sèche, tendue et en alerte comme l’amitié, gâchée, perdue mais sans cesse renouvelée des deux protagonistes.
Seul, invaincu, Loïc Merle, Éditions Actes Sud, janvier 2015