Ryan et Cyndie s’aiment mais n’ont pas un rond. Leur passion commune : la soudure, le contact du métal brûlant qui rapièce, transforme ou sculpte. Dans la famille de Ryan, on fait ça de père en fils. Cyndie, elle, transforme de vieilles carcasses en oiseaux métalliques. Par amour, il va tout lui apprendre : (…) faut pas avoir peur d’effleurer du bout de l’électrode le bain de fusion. Mais attention, hein, la fleur, la caresse ! … Jamais du touche-touche, parce que sinon, la baguette va coller…(p 20)
Mais pour s’installer et envisager un avenir avec sa belle, Ryan a besoin d’argent et semble prêt à tout. Il va chercher conseil auprès de Bernard Carré alias Maître Cube, un avocat presque véreux qui va s’occuper de sa » réinsertion ». Pour Ryan pas question de faire n’importe quoi : il refuse de distribuer de la » javel à cervelle » à la sortie des lycées ou de servir de quatre heures à de vieilles rombières en manque de chair fraîche. Sur les conseils de son ami Rambo Patrac il va se tourner vers le vol mais pas n’importe lequel : le vol militant.
On va piller humaniste mon pote ! Aider les gens à lâcher prise en les détachants de leurs biens dans ce monde (…) Frère, toi et moi, à partir de maintenant, on va choucraver mystique (p 111).
Parler philosophie avec Alain Guyard, c’est un peu comme prendre la mer un jour de grand vent : ça secoue, ça déroute, on en prend plein la figure mais au final on aime ça et on en redemande.
Après ses pérégrinations dans l’ univers carcéral avec La zonzon et ses géniales leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons, il revient nous causer d’amour et philosophie avec sa gouaille fleurie. Dans ce roman noir, il nous décoiffe en douceur, tout en finesse et parle d’une jeunesse un peu paumée avec beaucoup de tendresse et d’humour. On croise ici des personnages hauts en couleur comme les Patrac , la famille de gitans menée d’une main de fer par la doyenne Josépha où encore le capitaine de péniche, Jean Jacques qui tient ici le rôle du sage et dont la rencontre avec Cyndie restera dans les annales. Le vieux Jean Jacques pas Rousseau, aussi amoureux d’ Homère que de son rafiot, éclairera ce roman d’une lueur d’espoir à laquelle les deux jeunes gens se raccrocheront au fil du récit.
La Soudure est un portrait explosif et profondément humain d’une jeunesse qui se cherche, peine à joindre les deux bouts et à boucler ses fins de mois mais qui s’accroche furieusement à ses rêves pour s’en sortir. Si Alain Guyard nous enchante toujours autant avec son humour décapant et ses répliques à la Audiard, son ton se fait ici plus tendre quand il nous parle d’amour armé d’un fer à souder, nous faisant ainsi découvrir un nouveau pan de son écriture où la philosophie est toujours au service d’une intrigue parfaitement menée de bout en bout. Le nouveau Guyard est un très bon cru à consommer sans aucune modération !
La Soudure, Alain Guyard, Editions Le Dilettante, avril 2015.
Samuel Pouvereau est l’auteur des illustrations de cet article. Retrouvez-le ici : Ma Vie est un Echec.