En 2006, bien avant d’écrire The Social Network, Aaron Sorkin avait déjà créé la série la plus intelligente du monde, c’était The West Wing (dont la ventripotente intégrale doit se vendre aujourd’hui au prix d’un coffret collector de Lucy). Dialoguiste de génie, Sorkin y avait peaufiné sa science du walk and talk – soit, littéralement, tâcher de rendre passionnants de longs travelings de gusses en train de discuter tout en marchant dans des couloirs bondés – qui était déjà sa marque de fabrique dans Sports Night, sa première série, elle aussi hautement recommandable.
Bref, après huit ans d’intrigues politiciennes, de dilemme moraux et de bonnes blagues présidentielles, Sorkin lance en 2006 une série qui, sur le papier, aurait dû lui assurer un vrai succès grand public. Pour Studio 60 on the Sunset Strip, il plante sa caméra au cœur d’un Saturday Night Live californien avec un casting des plus solides où figurent Matthew Perry, des anciens de The West Wing (notamment Bradley Whitford), la renversante Amanda Peet et un gros paquet de guests (Sting, John Goodman, Rob Reiner…).
A l’écran, la mayonnaise prend immédiatement, mais le public américain, à qui on a promis une sorte de 30 Rock avec le Chandler de Friends, boude vite, les audiences plongent et la série ne comptera que 22 épisodes pour finir à 4 millions de téléspectateurs à peine. Mais peu importe le bide : Studio 60, c’est peut-être ce que Sorkin a produit de plus intelligent, tout en gardant un équilibre parfait entre la comedy (qui fuse à une cadence impressionnante, et, dans le contexte d’une bande d’humoristes professionnels, crédible) et le drama de ces personnages sans cesse écartelés entre ce qu’ils ont envie de faire et ce qu’ils savent devoir faire, cette quête désespérée du Do the right thing chère à Sorkin.