On a souvent raison de se méfier de ce qu’on appelle communément un super groupe, à savoir le projet de quelques musiciens plutôt célèbres et talentueux, car souvent cela accouche d’une petite souris, la motivation étant plus souvent financière qu’artistique.
Avec son nom passe-partout et sa pochette quelconque, la tentation d’y inclure The Hard Quartet a été grande, malgré le CV des uns et des autres, à commencer par Stephen Malkmus, Monsieur Pavement. Une seule écoute aura suffi à nous prouver le contraire, on a plutôt là affaire à la rencontre de gamins espiègles qu’un conglomérat de quinquagénaires en quête de liquidités !
Outre Malkmus, le casting est en effet royal : Jim White, Emmett Kelly et Matt Sweeney et le résultat ravira tous les fans d’indie rock 90’s épatés par tant de fraicheur et de joie communicative !
On ne présente plus Stephen Malkmus, on s’étonne surtout de sa présence ici, même si sa carrière solo semble un peu tourner au ralenti puisque son dernier album, l’excellent Traditional Techniques date déjà de 2020 et que la reformation de Pavement s’est limité à la scène et quelques rééditions. Il était donc tout à fait disposé à accepter la proposition de Matt Sweeney, à l’origine donc de The Hard Quartet, de rentrer en studio pour composer quelques titres.
Ce dernier est connu pour avoir joué dans des groupes comme Chavez, Soldiers Of Fortune ou Guided By Voices ou Zwan avec Billy Corgan, sans compter ses nombreuses collaborations avec Iggy Pop, Cat Power, Bill Callahan et surtout Bonnie Prince Billy autour du projet Superwolf. Un autre qui connait bien ce brave Bonnie Prince Billy, c’est Emmett Kelly qui avec son Cairo Gang a partagé l’affiche sur The Wonder Show Of World en 2010.
Emmett Kelly a aussi une carrière bien remplie, jouant plus que régulièrement, The C.I.A., The Freedom band de Ty Segall ou bien encore The Double, ce qui nous amène à notre dernier comparse et pas des moindres, puisque The Double était la rencontre d’Emmett et de Jim White, le génial batteur lui aussi super actif, avec rien que pour 2024, un premier album solo, une collaboration avec Marisa Anderson et Love Changes Everything, le dernier album de Dirty Three, tout en donnant un coup de mains ou de baguettes plutôt à Myriam Gendron, Beings ou Phosphorescent.
De l’expérience, de la complicité, du talent, tout était réuni pour que leurs sessions new-yorkaises et californienne soient plus que productives, et c’est le cas en effet, puisqu’on se retrouve avec, entre les mains, 15 chansons brutes de décoffrage, enregistrées live et sans artifice et sur lesquelles Malkmus, Sweeney et Kelly se partagent le chant, les guitares et les basses, avec Monsieur Jim White en maitre batteur !
Au petit jeu des comparaison, on aurait tendance à succomber plus rapidement au charme des titres chantés par Stephen Malkmus,ici, en très grande forme, excité comme un gosse sur le génial Renegade, toujours aussi charmeur et même émouvant sur Heel Highway ou le splendide final Gripping The Riptide.
Une écoute plus attentive corrige un peu le tir, l’album est homogène et rempli d’indie rock sacrément bien troussé, à commencer par la cavalcade Chrome Mess en ouverture, suivi d’un Earth Hater diabolique, qui sonnerait comme un inédit de Pavement.
On sentirait presque la joie de ces 4 lascars à jouer ensemble, Jim White est toujours d’une précision incroyable, les 3 autres s’amusent comme des petits fous et enchaînent les chansons comme des perles, piochant leurs influences quelque part entre Neil Young et le Velvet Underground en passant par Big Star, de Rio’s Song à Our Hometown Boy, de Six Dead Rats à Hey, pour ne citer que quelques uns des meilleurs morceaux de l’album. On pourrait tous les prendre les uns après les autres, le disque a beau compté 15 titres, on sera bien en peine de trouver une baisse de régime, bien au contraire.
The Hard Quartet réussit en effet l’exploit de se faire plaisir tout autant qu’à nous, un plaisir simple, un poil de nostalgie sans doute, offert par quatre musiciens, copains comme cochons et toujours aussi doués.
The Hard Quartet · The Hard Quartet
Matador Records – 04 octobre 2024