Avec Go to School, leur nouvel album, les Lemon Twigs n’ont pas opté pour la facilité. Long concept album autour des déboires d’un chimpanzé scolarisé, le projet a tout pour paraître pompeux de l’extérieur. C’est sans compter sur le talent et l’ambition des frères d’Addario qui digèrent encore mieux leurs influences 60’s et 70’s et accentuent le côté baroque.
Addict-Culture a rencontré le plus jeune d’entre-eux, Michael. Aussi passionné qu’il soit par la musique il semblerait plus heureux sans le battage médiatique autour du groupe et les longues tournées. Go to School s’assimile pour lui au véritable départ des Lemon Twigs. Il nous explique pourquoi.
Quel regard portes-tu sur la période qui a suivi Do Hollywood ? Vous attendiez-vous à un tel succès critique et publique ?
Je n’avais aucune attente. Nous avions enregistré une partie du disque avec Jonathan Rado de Foxygen. Il criait sur tous les toits à quel point nous étions géniaux. Au fond de moi j’ai commencé à penser qu’une carrière dans la musique était envisageable. Mais pas au niveau de ce que nous avons connu. Je ne sais pas à quoi m’attendre pour Go to School. Je n’ai pas envie de passer autant de temps sur la route. J’ai tendance à vouloir consacrer du temps uniquement à ce qui me rend heureux.
Quelle relation avez-vous aujourd’hui avec les chansons de Do Hollywood que vous avez dû porter pendant quatre ans ?
Je n’ai plus vraiment de lien avec Do Hollywood. J’ai tellement parlé de cet album que j’en suis détaché. J’ai perdu la mémoire de la période pendant laquelle nous avons enregistré l’album. Nous avons tellement joué ces titres en concert que mon plus beau souvenir reste les vacances de deux mois que nous avons eues à la fin de la tournée.
Vous avez décrit le EP Brothers of Destruction comme la fin de l’époque Do Hollywood. Il aurait pourtant été facile pour vous de capitaliser sur son succès. Avez-vous trop d’ambition pour vous contenter de vous reposer sur vos acquis ?
Je me moque du succès. L’argent m’intéresse, mais jouer pour de plus en plus de monde n’est pas hyper fun. Produire un Do Hollywood bis aurait été simple à réaliser. Les retombées n’auraient eu aucun intérêt pour moi. Je ne pense pas que les critiques de Go to School vont me faire regretter cette décision. Les pires attaques ne m’affecteront pas. Jamais on ne me forcera à faire ce dont je n’ai pas envie.
Comment arrive-t-on à l’idée de construire un album autour de la vie d’un chimpanzé à l’école ?
Ça n’a pas été vraiment réfléchi. Cette idée toute bête a pris le dessus sans que l’on s’en rende vraiment compte. On voulait quelque chose s’assimilant à une histoire de livre pour enfant. Avec une vision simplifiée du monde. On y retrouve une métaphore de la pureté, du manque d’attachement émotionnel qui mène à une crise personnelle. Les gens sont si durs avec le chimpanzé que la rage accumulée intérieurement le fait craquer.
N’avez-vous pas l’impression d’avoir été plongé dans un monde d’adultes très tôt ? Ceci n’est-il pas difficile à vivre par moment ?
Si. On retrouve une part de vécu dans les textes de l’album. Je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait autour de moi à l’école. Toute cette idiotie, cette condescendance. Il m’était difficile d’évacuer toute cette négativité pour me consacrer à quelque chose de meilleur. La musique m’a permis de changer tout ça alors que j’étais encore très jeune.
L’album est plutôt généreux. Il comporte 16 titres. Écrire est-il une nécessité pour vous ?
Nous voulions publier le plus de chansons possible pour s’en débarrasser. C’est important pour nous aider à passer à un projet différent. Ce n’est pas la peine de s’encombrer avec un stock de titres de qualité qui ne s’intégreraient pas à nos envies futures. On en a une trentaine de nouveaux titres sur lesquels nous travaillons actuellement. Les idées ne manquent pas pour les albums à venir.
Travaillez-vous toujours de la même manière pour composer malgré le temps passé sur la route ?
Nous travaillons plus main dans la main. Nous faisons le tri parmi les collaborations. Si un travail avec un autre artiste n’apporte rien à un morceau, on ne le garde pas. Nous sommes devenus méfiants. Il faut apprendre des erreurs du passé. Toutes les idées n’étaient pas forcément bonnes dans ce qu’avait produit Jonathan Rado pour le premier album. Il a fallu faire avec.
Les cordes sont plus présentes dans Go to School. Etait-ce quelque chose dont vous aviez toujours rêvé ?
C’était une nécessité. J’aime le côté comédie musicale que ça apporte. Je souhaite également la présence d’orchestres à corde sur nos prochains albums. Nous aimons les sons naturels. Il n’y a aucun synthé sur ce disque. C’était une décision consciente. C’était le seul moyen d’apporter de la grandeur. Brian est un arrangeur de talent. Il s’est occupé de toutes les parties de cordes. Parfois en les composant en studio, pendant les sessions d’enregistrement.
Pourquoi avoir choisi de produire l’album vous-même ? Etiez-vous à ce point frustré de la production de Do Hollywood ?
Je savais ce que je voulais pour Go to School. Je savais aussi que je pouvais l’obtenir sans aide extérieure. Nous avions tous les arrangements en tête. Un producteur suggérant des idées nous aurait irrité. En se concentrant sur nos chansons et en travaillant dur, nous y sommes arrivés.
Tod Rudgren est un des invités de l’album. Pourquoi l’avoir choisi ?
Nous avons donné un concert privé à New York il y a quelques années. Quelqu’un a frappé à la porte de notre loge. C’était Todd. Rien n’était planifié, nous ne savions même pas qu’il était là. Nous avons sympathisé. Il a joué avec nous à Coachella et nous a proposé de chanter sur notre prochain album. Ça ne se refuse pas.
Tod Rudgren est également un producteur de renom. N’avez-vous pas envisagé de tenter quelque chose avec lui ?
Vaguement. Mais comme beaucoup des artistes de son époque, il ne travaille plus qu’en digital. La raison est simple : le travail lié à un enregistrement analogique est plus compliqué. C’était inenvisageable pour nous, même si ça n’enlève rien à son talent.
Ce nouvel album va encore plus loin dans le côté théâtral et baroque. Est-ce quelque chose que vous voulez également exploiter sur scène ?
Sur scène nous préférons être un groupe de rock. Nous aurons quelques musiciens supplémentaires. Pas besoin de décorations, de déguisement. Je suis à l’aise et sûr de moi en concert. En faire de trop à côté reviendrait à se cacher derrière du superflu. Par contre il n’est pas impossible qu’un jour nous composions une comédie musicale. On jouera alors au maximum sur le côté théâtral.
Vous avez déjà des projets en tête pour les albums suivants. Un d’entre eux semble justement inspiré par l’Opéra. Avez-vous déjà commencé à travailler dessus ?
Il y a de l’opéra, mais aussi un projet power pop. Des chansons sont déjà composées pour les deux. On y travaille en ce moment.
Quels sont les concepts albums qui vous ont marqués et pourquoi ?
Mes concepts albums préférés sont des comédies musicales. Oklahoma, Carrousel, King & I qui parlent de la vraie vie, et ça me plaît. Cela ne se ressent pas dans notre disque à cause de son côté rock n’roll, mais notre inspiration vient de là. Sinon, à part Berlin de Lou Reed, j’ai tendance à trouver que les concepts albums sont trop sérieux. Ils donnent l’impression que seul l’artiste qui les a composés possède la clé pour les déchiffrer. Cette prétention a tendance à m’irriter. J’espère les Lemon Twigs ne donneront jamais cette impression.