[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]ela fait presque un an que David Bowie nous a quittés. Même si ses sorties d’albums se faisaient plus rares, sa présence dans les médias inexistante, le vide laissé paraît pourtant toujours aussi immense, aussi intense que le 10 janvier dernier.
Ce sentiment d’abandon a été ressenti par tellement d’entre nous que j’ai ressenti le besoin de continuer à célébrer l’œuvre de Bowie tout au long de l’année.
Lors de chacune de mes interviews réalisées cette année, j’ai voulu demander aux groupes ou artistes rencontrés de me parler de leur morceau préféré de Bowie.
Après tout, pourquoi ne pas aller directement à l’une des sources d’inspiration des artistes, toutes générations confondues.
C’est pourquoi, tous les jours, jusqu’à Noël, Addict-Culture vous proposera le choix « Bowie » d’un artiste rencontré au cours de l’année.
En préambule de ce projet, il m’est apparu comme une évidence de demander à Jérôme Soligny d’ouvrir les hostilités. Musicien, journaliste et écrivain, personne ne parle mieux que lui de l’œuvre de Bowie. Il a rencontré l’artiste à maintes reprises, notamment pour de longues interviews, et lui a consacré une biographie indispensable (rééditée deux fois), ainsi qu’un ouvrage récent, « David Bowie Ouvre le Chien » auquel David Bowie a collaboré.
Jérôme nous a fait l’honneur de rédiger un texte sur cette année de vide, où beaucoup d’entre nous se sont retrouvés comme orphelins. Direction Pompéi.
David Jégou
Nous sommes Pompéi
Il y a un an, je préparais mon voyage à New York. Pour aller voir Lazarus. L’avion, l’hôtel, la valise à roulettes. Les billets m’attendaient, là-bas. Pour accéder au New York Theatre Workshop, le soir de la dernière représentation presse, à deux jours de la première. Tout avait été parfaitement organisé.
La veille du spectacle, Tony Visconti m’accueille dans son studio pour un moment d’exception. Toujours avec lui. On se connaît, on s’apprécie. Depuis si longtemps. Il me joue des titres de Blackstar et quelques extraits des rééditions à venir, post-Who Can I Be Now ?. Tout est bien. Ou presque. Car je ressens comme un malaise. Indescriptible ou que je me refuse à décrire. Une tristesse dans les yeux de mon ami. Je n’en saurai pas plus car je ne demanderai rien. Puis on assiste à la pièce (plus qu’une comédie musicale).
On comprend des choses, mais pas tout.
C’est beau.
De retour en France, les quelques images de David Bowie le soir de la première me font froid dans le dos. Je ne dis rien. On ne me dit rien. Je vais écouter Blackstar chez Sony un peu avant Noël. A l’écoute des chansons, je comprends des choses, mais pas tout. C’est un disque de David Bowie après tout.
Avant tout.
La carte de fin d’année arrive. On la pose sur le piano, comme d’habitude.
Elle est belle.
Tout début janvier, Blackstar tourne en boucle dans mon bureau. Je n’ose pas l’écouter ailleurs dans la maison. Dollar Days. Rédigé à mon retour de New York, un papier doit paraître dans le Rock & Folk du 15 janvier.
Blackstar sort le 8. Anniversaire.
David Bowie meurt le 10.
Tremblement de terre.
Du blanc, hachuré, mat, implacable. Du givre, bouillant. Le téléphone de l’aube devient ruche en folie. Thomas pleure dans son train. L’A13, en direction de Paris, comme un robot. Les radios, les plateaux télé.
Pétrifiés debout.
Nous sommes Pompéi.
L’année qui s’annonce. Le hors-série. M’immerger dans le travail pour oublier ? Raté. Des chansons, des articles et… Bowie. Intensément. Pour en finir à mon tour. I Can’t Give Everything Away. Ce ne serait ni raisonnable, ni crédible.
Londres en novembre 2016. Sotheby’s pour voir sans toucher. “Dandy”, par Ian Hunter, pour y croire sans bouger. Puis Lazarus, encore. Sophia, perchée, qui chante si bien. Et enfin Jay-Jay, perché aussi, qui chante à son tour.
Perdus dans la ville, l’application GPS déconne à mort.
Comprendre, mais pas tout.
Renaître ? No Plan.
Jérôme Soligny
(Le Havre 23/11/16)