[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#bd2d2d »]L[/mks_dropcap]a cloche a sonné et l’enregistrement détaché du blister s’expose à la lueur des cliquetis introductifs d’Infinity Vibraphones.
C’est un retour précieux pour une formation qui ne s’est jamais engluée dans un racolage promotionnel ultra actif, quitte à devoir lâcher du lest en termes d’envergure artistique méritée. Nous avons encore en mémoire les dérivations obscures d’un troisième album qui mettait la concurrence littéralement K.O. grâce à ses souffles empruntés autant au blues qu’à des expérimentations subtiles et enivrantes.
Il aura fallu tout de même six ans (une éternité pour l’industrie discographique) afin de voir These New Puritans accoucher d’un digne successeur au fort succès d’estime imputé très justement à Field of Reeds.
Autant vous le dire d’emblée, le verdict concernant la nouvelle œuvre est bigrement estomaquant. Jack et George Barnett ont laissé sur la touche les anciens compères. Leur duo fraternel est redevenu la marque d’un resserrement logistique venant paradoxalement faire exploser tout le champ des possibles.
Let’s go back to the underworld, let’s go back inside
C’est un enchevêtrement complexe bien qu’attractif qui bat la mesure, des superpositions qui magnifient un chant qui paraît une fois encore désœuvré bien qu’idéalement approprié au climat environnant. L’alchimie qui s’opère au rythme de notre ouïe est résolument moderne, ne perdant aucune once de son inventivité. C’est une liberté outrageante qui s’exonère du surplus infécond, au bénéfice d’une langueur néoclassique tirée de l’exigence qualifiée d’art rock par quelques archivistes foncièrement doués.
Difficile d’ailleurs de définir précisément la musique de These New Puritans qui englobe toute une pelleté d’émois et de styles. Mais qu’importe le flacon, ici l’ivresse est totale !
Si le cheminement d’Inside The Rose a fixé ses marques en Angleterre, c’est l’environnement berlinois qui traverse de long en large et de manière flagrante la nouvelle production. À ce titre, impossible de ne pas relever la patte de Graham Sutton bien connu des fans de Bark Psychosis.
D’ondulations vocales en machines trempées dans un bain d’encre noire, c’est la fusion des effets qui prend place de manière vibrante (Anti-Gravity). Les individus pressés, qui ne caresseront que la surface de cette matière, risquent de ne percevoir qu’une amertume alambiquée. Alors que l’effort d’attention autorise une telle résolution des intrications, qu’il serait fort regrettable de zapper la maestria procurée par des fréquentations multiples, venues ajouter leurs notes chimériques au somptueux tableau.
L’album abrite ainsi une foultitude d’échantillons finement placés sur lequel un lyrisme exacerbé vient se coller à merveille.
Nous avions déjà décelé la majesté du disque à l’écoute d’Inside The Rose, dont les cordes nous agrippent avidement, histoire de nous mener au buffet de luxures émotionnelles rares. Le titre, à l’image de la vidéo qui l’illustre, est esthétiquement remarquable… Au point de désorienter l’auditeur vers quelques bifurcations pianistiques puis un chant imprégné de divine douleur.
C’est véritablement une musique façonnée au cœur d’un basculement entre cauchemars diffus et rêves éveillés.
Que dire de plus ? Qu’il faudra s’attacher à la palette orchestrale de Where The Trees Are On Fire et son leitmotiv obsédant nappé de cuivre, pièce maîtresse qui répond thématiquement à Into The Fire, autre morceau de poids échafaudé en collaboration avec David Tibet (Current 93), dont les battements martiaux pulvérisent une énergie contradictoirement froide sur les flammes se dégageant de l’habitacle.
Avant l’extinction des feux par le biais de l’aérien de Six, il faudra goûter aux accents floydiens du sommet A-R-P pour une grandiloquence synthético-baroque agréablement dépourvue des sempiternels gimmicks boursouflés (bien trop souvent véhiculés par les piètres suiveurs du genre). These New Puritans se trouve au contraire armé d’un parfait calibrage, une juste pesée essentielle malgré l’abondance des substances versées dans leurs machines.
J’avoue honnêtement n’avoir que trop peu été secoué par des musiques aussi perspicaces et profondes à la fois. Cette nouvelle fleur dans leur jardin est le témoignage d’un effort impressionnant de maîtrise technique, d’imagination bouillonnante mais surtout d’un achèvement au service d’une poésie résolument intemporelle.
J’emploie rarement l’expression, mais pour une fois je peux vous affirmer que ce disque est, sans conteste, un pur chef d’œuvre !
Album disponible depuis le 22 mars 2019 chez Infectious Records / BMG
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