[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es cinéphiles sont des obsessionnels, on le sait bien. Quand leur obsession s’appelle Hitchcock, et plus particulièrement Vertigo, tout devient possible… C’est ce que vont nous démontrer Thierry Clech et le narrateur de Sur ses traces. Cet homme-là, la cinquantaine bien tassée, se réveille chez lui, effondré sur son canapé. Il a un peu froid, il ne sait pas très bien où il en est et ses premières pensées vont à Kim Novak/Madeleine/Judy. San Francisco, le Golden Gate Bridge, ses maisons victoriennes, l’église et le clocher de la Mission San Juan Bautista, la Jaguar MK VIII. Kim Novak sortant de la salle de bains.
L’homme vit dans une ville de province dont nous ignorons le nom – nous saurons seulement que là-bas, il y a une rue de Lamballe, une rue de la République, une rue Gustave Flaubert… C’est l’hiver, il neige. Constance, la jeune amie du narrateur, a exprimé le désir de passer quelques jours au bord de la mer : notre narrateur lui a opposé des motifs très – trop – raisonnables : il fait mauvais, attendons le printemps. Attendre le printemps quand on veut voir la mer, quelle absurdité… Constance est donc partie. Au bord de la mer peut-être, agacée certainement. Laissant le narrateur à son obsession et à son canapé.
Quand on est obsessionnel, on l’est jusqu’au bout. Le narrateur, hanté par Vertigo, va voir son obsession transposée à la recherche de Constance. Le voilà donc parti dans les rues enneigées : les rues familières ou pas, la gare, le domicile de Constance… Notre homme redécouvre la topographie de cette ville qu’il connaît si bien. Une femme de dos porte le manteau de Constance, c’est elle, sûrement. Une autre silhouette lui semble familière : la femme se retourne, c’est une inconnue. En plus, le téléphone du narrateur est en panne. Un hasard, sûrement. Où est Constance ? Qui est vraiment le narrateur ? Et lui-même, le sait-il vraiment, cet homme d’âge mûr qui avoue n’avoir pas dépassé la trentaine dans sa tête, qui passe devant le cinéma dans lequel il a vu pour la première fois Vertigo quand il avait 20 ans, et qui n’est plus un cinéma ?
Dans ce court roman, le lecteur va accompagner le narrateur dans sa quête. Que cherche-t-il vraiment ? Une Constance bien réelle dont ne saurons pratiquement rien, à part qu’elle veut aller voir la mer ? Lui-même ? Le cœur de son obsession ? Sa jeunesse perdue ? Ses pas dans la neige laissent des empreintes, ses chaussures crissent sur le sol glissant. Il a froid, sans doute, mais ça n’a pas d’importance. Il marche, il cherche, se trompe, échoue, reprend son chemin qui n’est pas une errance : il connaît sa ville, il croit savoir qui il cherche, mais nous savons bien que tout cela n’est qu’illusion, prétexte. Le narrateur est perdu, il flotte entre son obsession et la réalité de sa recherche, au point que les deux finissent par se rejoindre dans un « twist » final aussi surprenant qu’inévitable.
Une jolie réussite qui prend une dimension différente quand on connaît un peu les troublantes photographies de l’auteur, exclusivement en noir et blanc argentique, avec lesquelles vous pourrez vous familiariser en visitant son site et son blog (liens ci-dessous).
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Sur ses traces de Thierry Clech
Paru chez Marest éditeur, novembre 2019
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