[dropcap]D[/dropcap]ès les premières lignes, vous comprendrez qu’il faut vous préparer à cette lecture.
Ce serait le monde qui chavirerait.Sandrine Collette
Une entrée en matière rude, annonciatrice de la base même de ce roman : la vie, son sens et ses valeurs. La résonance avec notre contexte de pandémie est forte, marquée, questionnante.
Corentin est abandonné enfant, par sa mère, aux bras de son arrière-grand-mère paternelle, Augustine, qui vit au fond des forêts. Ils apprennent, avec le temps, à s’apprivoiser.
Quand Augustine était en colère, Corentin posait sa petite main sur la main ridée, plongeait ses yeux noirs dans le vieux regard délavé et puis Augustine recommençait à sourire. La vie reprenait. Le temps se remettait en marche.
Leur complicité se crée et ils se raccrochent l’un à l’autre, ils sont l’un pour l’autre, avec leurs failles et leurs blessures respectives. Corentin grandit, part à la ville, en découvre toutes les opportunités, la forêt s’éloigne, Augustine aussi. Corentin étudie, s’amuse et profite de ses amis, il délaisse Augustine. Corentin se reconstitue une famille avec ses amis et se perd dans l’ivresse des nuits, dans les catacombes, salvatrices.
Un jour, tout bascule. Une fois pour toutes : le monde s’écroule. Sandrine Collette nous amène au milieu de ce monde là, vide, détruit, le néant de la fin du monde. Avec un rythme lent, nous accompagnons, pas à pas, Corentin qui seul a survécu, grâce aux catacombes où il se trouvait endormi au lendemain d’une soirée alcoolisée. Le roman prend alors une puissance nouvelle et nous retenons notre souffle à la lecture de cet effondrement, comme sidéré, autant que Corentin.
La résonance avec notre monde actuel est déstabilisante : alors que nous subissons une pandémie qui bouscule nos conceptions de la vie, faut-il continuer de lire ce livre qui projette nos plus grandes angoisses ? Sandrine Collette nous fait vivre nos pires cauchemars. Vous êtes prévenus, vous serez face à vous-même.
Corentin avance seul, dans ce monde désert, anéanti, où rien ni personne n’a survécu, ne sachant ce que sera demain, ni même l’heure suivante. Corentin avance sans but, hébété; puis l’image d’Augustine apparaît dans son esprit, il veut la retrouver, morte ou vivante. Elle sera son but.
Nous ressentons le vide éprouvé par Corentin, tant l’écriture de Sandrine Collette permet cette place : elle crée le vide, par des phrases courtes, simples, par des descriptions de paysages, de végétaux, d’animaux. Comme un oxymore : le vide envahissant. Nous vivons avec Corentin ce moment suspendu. Puis, lentement, le vide semble se combler, par des petits riens, et le besoin de reconstruction apparaît à Corentin.
Je n’ajouterai rien à cette lente reconstruction, je n’ajouterai rien non plus pour expliquer comment Corentin va avancer dans cette vie nouvelle. Je vous laisse découvrir Corentin se façonnant un quotidien.
Il ne faudrait pas trahir l’avancée narrative de ce roman puissant, ni les émotions ressenties à la découverte de cette mise en marche chez Corentin. Corentin se révèle à lui même, à nous aussi. Sans jugement, vous vous questionnerez sur vos propres actions si vous étiez à sa place. Homme et animal. Corentin est tout à la fois. Vous reconnaîtrez son humanité, sa générosité, ses angoisses, sa folie. Un autre oxymore : une cruelle douceur. Vous éprouverez les incommensurables douleurs morales des protagonistes face à ce monde inconnu, irréel. Vous ressentirez leurs joies, des choses simples de la vie, qui emplissent le vide et offrent une vision bien différente de notre manière de vivre actuelle, dans un monde de consommation où tout est possible. Justement, tout est possible, le meilleur comme le pire.
Alors on pourrait voir dans ce roman une ode à la simplicité, à la méditation, une invitation à vivre le moment présent comme si c’était le dernier, car oui demain n’est pas certain. On pourrait entendre dans Et toujours les Forêts un éloge de l’écologie, nécessaire pour nous sauver d’un désastre prochain, un constat cruel sur le monde d’aujourd’hui et une invitation désespérée à une action commune et générale pour un changement radical pour sauver notre planète.
Ce livre est réel, il marque notre peau, tant il est ancré dans notre moment présent, lié au Covid et aux perspectives décisionnelles, personnelles et collectives, nécessaires. Prenons garde : « Cette histoire est vraie, puisque je l’ai inventée« , nous disait Boris Vian.
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Et toujours les Forêts de Sandrine Collette
Éditions JC Lattès, janvier 2020
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Image bandeau : Macla / Pixabay