Trentemøller
Dreamweaver
In My Room / Boogie Drugstore
13 Septembre 2024
Si je m’en remets aux définitions inscrites dans le Larousse, le trouble peut s’entendre comme un liquide qui n’est pas limpide, qui contient des particules en suspension. Au sens figuré, la référence s’opère à propos de contenance d’éléments obscurs, équivoques. Je vais être cash: à l’aube possible de la fin des temps, un album aura rarement répondu autant aux deux acceptions.
Dreamweaver par certains aspects revêt le caractère d’une immersion dont le fil conducteur plonge l’auditeur au cœur de geysers de bruits blancs, de mouvements finement équilibrés, de ruptures paradoxalement non abruptes, d’autant de noirceurs que d’éclairs. Son concepteur en chef Trentemøller est loin de son premier essai. Dans mes rayonnages, j’ai la grande joie de dénombrer déjà quelques pépites dont le clinique et fascinant Lost (2013) le mélancolique et plus électrisé Fixion (2016) le synthétique et référencé Observe (2019) sans oublier l’atmosphérique Memoria (2022).
Le prolifique producteur danois est donc de retour pour cette rentrée des classes 2024 avec un septième volume long répondant aux prédictions de celles et ceux qui attendaient Anders Trentemøller un peu plus encore dans son rôle d’émérite architecte d’intérieurs sonores.
Arpèges soyeux dès les frottements sur le nylon de l’ouverture A Different Light, morceau qui annonce un trip en pleine apesanteur stylisée. De cette éclipse prismatique la lumière parviendra timidement à s’infiltrer. Ainsi la « dreampop » de Nightfall se déverse au cœur d’une brume paradoxalement emplie de reliures précises. Ce n’est que sur la pointe des pieds que les machines vont reprendre progressivement le dessus pour des pulsations plus lourdes, le tout mettant en valeur des oscillations contenues. Ici, il n’y a pas d’excès, pas plus que de carence. Sur la longueur, le chant détaché de Dísa Jakobs pourrait nuire au projet… Pour autant, le recueil évite (de justesse) un essoufflement de la recette.
Il faut dire que l’écoute de la piste 4, I Give My Tears, va remuer les plus sceptiques. La nu new wave décoche sa mélodie tentaculaire pour un résultat fichtrement bouillonnant et impressionnant. Les adeptes d’effusions shoegaze retrouveront également quelques couleurs sur les glissades de basse.
Un peu plus loin, In a Storm porte une enveloppe que n’aurait pas renié le regretté camarade Luis Vasquez (The Soft Moon). Wonder’s Ghost déposera sa couche de givre grâce à ses accords lents… comme une léthargique cérémonie avant le final réanimé une fois encore par des vagues de confusion. Le trouble encore et toujours.