[dropcap]P[/dropcap]our office de préambule, je pense qu’il est inutile que je m’étale de trop sur le cas d’Anders Trentemøller, bidouilleur activiste depuis un peu plus d’un lustre dans le domaine des bruitages électroniques. Il faut dire que la musique ne connait que très peu de limites (pour ne pas dire aucune) chez ce gaillard presque cinquantenaire. Oui, inutile de vous ressasser son tableau de chasse sans bavure, chargé de contrastes et de paradoxes entre l’humanité profonde de ses épreuves et l’aspect mécanique de ses catalyseurs. Celui qui fut un éminent DJ de la scène danoise aura revêtu rapidement une autre casquette, celle de concepteur. Risquant l’évocation d’une métaphore pompeuse, je me risque pour l’intéressé à la qualification d’architecte sonore (sans que l’on puisse pour autant me prescrire la camisole de force). Partant de cet état des lieux encourageant, il serait pour autant dommage que je me cantonne aux reluisantes dorures sur la boutonnière pour considérer la nouvelle livraison de notre ami comme inévitablement fantastique. Et vous pensez que tel n’est pas le cas ? Trentemøller aurait-il pu méchamment se cabaner cette fois-ci ? Il n’en est rien. Quitte à irriter éventuellement celles et ceux qui trépignaient déjà à l’idée de voir chuter l’une de mes idoles, Memoria, sixième album de la liste, peut se ranger dans la lignée d’une suite logique, ajoutant une pierre de poids au remarquable édifice pensé, façonné et exécuté par son auteur.
La nouvelle exploration vous entrainera sur la finesse d’une bande magnétique chargée de propulser l’idée de nostalgie au-delà des cimes. Trentemøller joue, une fois n’est pas coutume (et peut-être davantage encore), avec les ombres. Notre artificier expérimenté jongle inlassablement entre les lueurs pâles et l’obscurité propre aux latitudes nordiques. A noter une longueur particulière pour cet album truffé de quatorze titres balançant ses effets entre de nouvelles tentatives soyeuses et la kyrielle de réflexes de diffuseurs d’ambiance invitant au flirt sur les ondulations d’une danse dense.
Le voyage débute avec Veil Of White, véritable crève-cœur qui nous plonge d’emblée dans les méandres du spirituel Faith de la légende presque encore vivante The Cure. Rien que ça ! Basse noyée dans les limbes, chant étiré et plombé de réverbérations, effets fantomatiques… Toute la panoplie est en place. La voix de Lisbet Fritze servira de fil conducteur sur lequel l’auditeur ira s’accrocher au sein de cette profusion de flux et reflux. De manière totalement provocatrice, ma première idée fut de peindre crument Memoria au gré de ce que mes oreilles imprimaient, à savoir une version de M83 qui forniquerait avec Slowdive. No More Kissing In The Rain affiche là aussi un programme où la suavité robotique rend grâce à une pop savamment rêveuse et acidulée.
La suite c’est Glow dont la limpidité s’imprime sur des vibrations d’efficience tactile. Sans baisser la garde, la production de ce titre à tiroirs fait converger des frottements électriques en direction de filaments hantés. De manière globale et dans l’optique d’une parfaite cohérence, Trentemøller expose sa prose musicale par le biais d’alternances internes, entre plages instrumentales et réalisations fantasmées.
Avec The Rise c’est l’art de la transe qui nous convie au réchauffement de la glace par un fer à souder. Au contact de When The Sun Explodes, la « cold wave » moderne nous tétanise de son brouillard paradoxalement aveuglant. Dead Or Alive place le curseur sur un post-punk dément qui ferait limite la nique aux exaltations rugueuses du compère Luis Vasquez, pilote du vaisseau The Soft Moon. Autant vous avouer que je succombe aux crissements à foison et à cette basse épileptique.
Les affluents du shoegaze électro ne cessent de se télescoper dans le réacteur de cette partouze qui digère les assimilations, mixages, polissages, courtisant les rives d’un ambient jamais immobile, déclinant la transpiration du dancefloor et son espace poisseux pour les grands salons qui ne demandent, eux aussi, qu’à vriller de mille secousses (Swaying Pine Trees)
Je peux toujours pinailler avec l’impression d’appréhender un bout de la piste plus essoufflé, il n’en demeure pas moins que Like A Daydream s’apparente plus à un pliage qu’à un pillage de Beach House avec ses inévitables distorsions au parfum de mélancolie éthérée. Dernier tour en mode assouvi sur la piste verglacée, nappée des délicatesses sidérales de Linger. Il n’y a que la fin de triste mais, fort heureusement, notre mémoire auditive demeure.
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TRENTEMØLLER
Memoria – Trentemøller
In My Room – 11/02/2022
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Image bandeau : Sofie Nørregaard