Le titre d’abord.
Premier chapitre : Argument… C’est de la philo ?
Et pour bien nous achever, la première phrase de plus d’une page.
Combien de lecteurs furent d’emblée réfractaires aux débuts littéraires de Tristan Egolf ? Un bon nombre sûrement malgré une excellent critique à l’époque.
Tristan Egolf, américain, échoué en France, faisant la manche dans les rues de Paris une guitare à la main est abordé par la fille de Modiano. Hasard, il a avec lui un brouillon de bouquin. La légende dit que Modiano père encouragera les débuts de l’écrivain. Pas la suite. Egolf va se perdre dans un deuxième livre- et un troisième qui paraîtra de manière posthume, l’auteur se donnant la mort aux USA.
Reste Le seigneur des porcheries. Rebutant donc ? Puant, certes. Au fin fond des ordures et des égouts d’une petite ville à l’écart de tout, dans le pire de ce que l’on peut imaginer de l’Amérique.
Le seigneur nous relate l’histoire de John Kaltenbrunner, pauvre hère maudit de ce bled, abandonné de tous, habitué à la déveine comme d’autres au succès et qui trace sa route tout au long de ces 600 pages, accompagné plus par désœuvrement que par amitié par quelques personnages secondaires tous aussi paumés que lui mais en qui ils voient une sorte de guide spirituel.
Et cette main mise sur eux va permettre à Kaltenbrunner de se lancer dans une entreprise de démolition -vengeance ou pas de tous les vexations subies par les rats d’égouts ainsi que les appelle Egolf– de la plèbe de Baker, de ses habitants, sourds, racistes, indifférents, religieux de pacotille. Mais avant d’en arriver là, Kaltenbrunner subira sa vie plus qu’il ne la vivra. Proie facile de tous et pourtant résistant à tout et à tous. A l’article de la mort plusieurs fois, se relevant toujours, messie des laissés pour compte, il laissera une odeur ineffaçable et une dévastation dans la vie de ses amis comme dans celles de ses innombrables ennemis.
Et dans celle de ses lecteurs, une envie de lire et relire, toujours, ce roman, inégalable de drôlerie et de cruauté.
Pour atteindre ce nirvana de la littérature, il vous faudra d’abord accepter de vous perdre dans l’Argument, ces premières pages incompréhensibles (qui pourtant éclairent tout le roman) et surtout cette première phrase à laquelle vous finirez par revenir une fois le destin de Kaltenbrunner scellé.
Lu aussi ! Terrible souvenir. Dévoré lors d’une double semaine de pénitence, isolé du monde, à quelques encablures au Nord d’Alicante, dans une villa avec piscine et vue magique sur la mer, immense… ah, ce clair de lune. Et ce bouquin. Le genre de livre dont on tourne la dernière page avec un pincement au coeur. Déjà fini…
Oui c’est vrai mais il peut se lire et se relire (j’en suis à ma 4ème fois je crois!)