[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]ne erreur de parcours … Une simple erreur de parcours ? Facile à dire. D’ailleurs si l’on commence à creuser et que l’on se prend d’emblée au jeu des premières pages, il apparaît rapidement que cette histoire ne peut se résumer à un banal pas de côté…
La couverture nous livre elle-même un premier indice : Denis Robert est aux manettes du scénario. Or ce journaliste spécialisé dans les enquêtes politico-financières (le scandale Clearstream, c’était lui) n’est pas un adepte des récits simplistes. Lui fait plutôt dans les coups tordus, enfin plus précisément il les révèle, les dissèque et nous les donne en pâture, tel un miroir des travers de notre société.
Pour Une erreur de parcours, polar judiciaire soigneusement orchestré, le journaliste devenu écrivain, réalisateur de documentaires et artiste plasticien (rien que ça), s’est associé au dessinateur Franck Biancarelli, qui a notamment travaillé sur les séries Galfalek et Le livre des destins (Soleil). Réalistes, ses illustrations alternent la couleur et le noir et blanc. Elles sont mises en valeur sur un papier imprimé mat légèrement texturé au toucher. De quoi nous faire ressentir d’un peu plus près le quotidien difficile vécu par le juge Sylvestre Ruppert-Levansky, confronté à plusieurs malheurs.
Le premier concerne sa vie sentimentale, laquelle nous ramène à ses débuts dans la magistrature. L’homme n’a pas encore prêté serment mais travaille d’arrache-pied pour se faire une place. Le problème est qu’il ne voit pas sa liaison avec Rachel se déliter, au fil d’une vie qu’elle trouve de plus en plus morne et ennuyeuse. Quand elle décide de le quitter, il est trop tard. Le mal est fait, c’est décidé, elle ne reviendra plus et le pauvre Sylvestre en est accablé.
Son second malheur est d’avoir rencontré Mathilde, une femme que le juge en devenir pense coupable de la disparition de son amant, Émile Anglaret. Vindicative, manipulatrice, rongée par la jalousie, son passé ne joue pas en sa faveur. Suicide et menaces de mort ont jalonné sa vie. Mais comment prouver la culpabilité de quelqu’un quand les suspicions sont plus nombreuses que les preuves… Il y a de quoi devenir fou, quitte à se mélanger les pinceaux, ne plus dormir, voire franchir la ligne rouge sang !
La frontière est parfois mince entre folie et raison. Dans cette ville de l’Est de la France où se déroule l’intrigue, le sentiment de fascination-répulsion éprouvé par le magistrat aura même la vie longue puisque, trente-deux ans après avoir été plaqué par Rachel et avoir tenté de démasquer Mathilde, voilà qu’un policier frappe à sa porte. Devenu président de Cour d’Assises, fort d’une réputation sans faille construite sur des jugements indulgents bien que sûrs, Sylvestre Ruppert-Levansky aurait-il quelque chose à se reprocher ?
Chabrol aimait filmer les malheurs des petites gens, la justice qui s’emballe et les embrouilles des milieux bourgeois. Il y a quelque chose de l’univers de Chabrol dans cette bande dessinée, dont on dit qu’elle devrait être portée à l’écran en 2020. Affaire à suivre !
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Une erreur de parcours de Denis Robert et Franck Biancarelli
Paru chez Dargaud, septembre 2019
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