Nous sommes en 1941, au mois de décembre, à Terezin, une ville situé en République Tchèque. La ville abrite un camp de concentration utilisé comme lieu de transit pour déplacer des Juifs tchèques, autrichiens et allemands. Les conditions sont dures, la faim et la maladie donnent un quotidien âpre aux détenus.
Le livre nous raconte l’histoire vraie de Berdich Fritta, caricaturiste dans le journal simplicus, son arrivée dans le camp et les jours qui vont suivre son installation. Il est accompagné de sa femme Johanna et de leur fils Tomi qui a à peine un an. A peine l’entrée franchie, ils sont séparés dans différents endroits aménagés du ghetto. Notre homme intègre le bureau de dessins. Avec d’autres prisonniers ils vont non sans un certain cynisme de la part de leurs geôliers, devoir esquisser les plans du futur four crématoire, la future mort de beaucoup d’entre eux…
Chaque jour passe comme un de gagné face à la mort. Le soir, en cachette, les hommes se retrouvent pour dessiner leur quotidien, pour continuer d’espérer, s’évader par leurs croquis, témoigner de leur souffrance. Un des dessins de Berdich illustre d’ailleurs la couverture du livre, il est intitulé Transport. Et puis il faut les dissimuler, ne pas se faire prendre, les planquer entre deux épaisseurs de mur.
On retrouve les thèmes chers de notre auteur abordés dans ses ouvrages, les déplacés volontaires, la mort, la peinture. D’une écriture besogneuse, Antoine Choplin dit beaucoup de choses sans trop en dire d’une économie de moyen, sobre, et puissante. Pas besoin d’artifice, d’abondance de description pour nous faire ressentir les émotions. La peur, et la souffrance sont palpables, l’agonie des corps (la maigreur, la blancheur) et de l’esprit nous sont restitués en filigrane, il n’y a pas de surenchère de représentation, tout est dit à demi-mot, l’imagination du lecteur fait le reste. L’art comme dans le Héron de Guernica est une catharsis face l’abominable, un exutoire salutaire dans un quotidien mortifère. Antoine Choplin parvient à nous délivrer un instant de poésie et de grâce malgré la lourdeur du sujet. Des petits bonheurs simples de la vie, des instants fugaces chipés de-ci de-là comme un café à une terrasse, une maison aperçue au loin à l’horizon, un concert improvisé et donc le dessin le soir entre camarades d’infortune sont des moments dérisoires d’échappatoire.
A chaque livre lu de cet auteur rare, on est emporté par cette modestie qui caractérise son écriture, l’histoire se suffit d’elle-même pas besoin d’en rajouter d’avantage, un balancement entre le lyrisme, la nature protectrice, le vent de liberté qu’il suggère et l’horreur, la peur de monter dans un train et de ne plus revenir, la présence d’un barbelé vous rappelant à l’ordre de toute envie d’évasion.
Antoine Choplin signe encore avec ce roman une copie parfaite, une lecture dont on se souvient encore longtemps une fois le livre refermé, de la littérature en somme.
Une forêt d’arbres creux d’Antoine Choplin paru aux Editions La fosse aux ours, août 2015.
NB : Dessin d’en-tête : Bedrich Fritta
Je découvre ce blog grâce à Choplin (un auteur que j’admire) !
Effectivement Choplin fait partie de ces grands hommes, encore trop dans l’ombre à mes yeux. Un romancier qui devrait être davantage mis en avant, oui.
Bonjour Leiloona,
Merci pour vos mots ! Effectivement, nous sommes bien d’accord, Antoine Choplin devrait être mis plus en valeur pour son œuvre si singulière. Je vous souhaite une bonne découverte dans cette revue.
Bien à vous,