[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″] »C[/mks_dropcap]ow, mad cow, cow, we’re down to a frenzy ». Ces paroles d’un des extraits phares du deuxième album de The Apartments, Drift, et la mélodie qui les accompagne sont sans doute plus connues que l’homme qui les a écrites et chantées. Car les fans, nombreux en France, du groupe incarné par Peter Milton Walsh n’ont pas nécessairement porté attention à l’identité de celui qui en a fait partie le temps de ce disque et qui, cas unique dans la discographie de The Apartments, a interprété un morceau : Greg Atkinson. Ce Mad Cow, tendu et bouleversant, est en réalité représentatif de l’une des facettes de Ups and Downs, la formation qu’il mène depuis plus de trente ans avec une longue période d’interruption.
Car Ups and Downs, ainsi baptisé d’après un morceau des dB’s, est né à Brisbane dans le première moitié des années 80, comme les Go-Betweens et donc The Apartments. Avec The Church de Sydney, les Triffids de Perth et quelques autres encore, ils incarnaient une nouvelle vague du rock australien, après celle, directement liée au punk rock, des Saints et Radio Birdman. Ils partageaient avec leurs concitoyens un peu, et le groupe de Steve Kilbey beaucoup, un amour des guitares jangle héritées notamment des Byrds.
En 1986, un premier album splendide, Sleepless, les fit connaître auprès du public averti en Europe en s’inscrivant pleinement dans cette tradition mêlant guitares acoustiques et électriques, sens mélodique de tout premier ordre et chœurs vivifiants. Aux mini-tubes indie The Living Kind et In The Shadow s’ajoutait une reprise magnifiée du Solitary Man de Neil Diamond, et le tout enthousiasmait les amateurs d’un genre qui commençait à avoir le vent en poupe, surtout en Angleterre et en Nouvelle-Zélande, avec la scène de Dunedin.
Mais la suite n’a pas permis à ces espoirs de consolidation d’une ascension naissante de se pérenniser, entre un deuxième album marqué par une volonté de sortir un peu du cadre, moins réussi malgré quelques pics (Underneath The Watchful Eye, 1988), un dernier EP (Rash, 1990) et une séparation sans surprise. Les frères Greg et Darren Atkinson s’en allèrent fonder Big Heavy Stuff, dont la renommée n’a pas atteint les frontières de l’Hexagone.
Contre toute attente, 2011 marquait le grand retour du quatuor du Queensland avec une compilation de vingt titres couvrant leurs enregistrements qui avaient déjà plus de vingt ans, Out Of The Darkness, et le disque éponyme d’un nouveau groupe réunissant les trois quarts des membres de la formation historique, Worker Bees. Le son était plus réfléchi et les intentions moins spontanées, mais le talent et le style étaient toujours présents, surtout dans une première moitié d’album très inspirée.
Alors logiquement, fin 2017, l’équipe se prépare à réaliser un nouvel album des Worker Bees et sont rejoints par le guitariste Peter Shaw. Greg Atkinson, Darren Atkinson, John Flade et Peter Shaw… mais c’est exactement le line-up historique de Ups & Downs ! Va donc pour un troisième LP du groupe, intitulé The Sky’s In Love With You, 29 ans après le précédent, avec l’apport du nouveau Alex Ronayne à la basse ! Une tracklist resserrée avec, si l’on excepte la reprise finale du titre introductif, huit titres qui arrivent quasiment dans l’ordre, du plus court au plus long (c’est peut-être un concept après tout, pourquoi pas ?)
Ups and Downs est aujourd’hui comme hier un vrai guitar band mené par la voix toujours aussi claire de Greg Atkinson, elle-même appuyée par ces chœurs caractéristiques. L’album commence par un clin d’œil manifeste à leur coup de maître initial (Some Sleep a pris la place de Sleepless, dont il reprend en plus le même son plein d’écho à la place de la caisse claire). Une volonté affirmée de renouer avec l’âge d’or, même si l’on remarquera que l’équilibre entre les deux pôles du groupe, la power-pop, ligne claire, d’un côté et le rock travaillé, sombre et tendu de l’autre, a basculé du côté du second camp. Seul True Love Waste, déjà présent à l’identique sur le Worker Bees, fait la part belle à la légèreté et à la fluidité. Le reste du temps, les morceaux de Ups and Downs se rapprochent finalement de Mad Cow : le groupe, que le temps et la mode ont forcé à abandonner les belles chevelures des eighties, mais pas forcément les Paisley shirts, joue une musique sombre et habitée, dont certains aspects tangentent celle de The Opposition. Un autre groupe emblématique il y a trente ans, mais de notre côté du globe, qui ressurgit aussi aujourd’hui.
Les titres gonflent et montent progressivement en puissance, se terminant ici par une échappée guitaristique santanesque (She Stole My Idea), là par une explosion rageuse (Gideon, percée par un son d’orgue saturé), sans jamais perdre de vue la mélodie. Bride In A Car se laisse dériver entre lumière et obscurité. C’est lorsque l’équilibre entre gracilité et puissance est le mieux maîtrisé que le groupe tient son coup le plus fumant : Fires Amongst Us pourrait bien être leur nouvel emblème.
Avec cette poignée de titres poignants, Ups and Downs a retrouvé son sens de l’urgence, sa fougue et ses jambes de vingt ans. Les frères Atkinson auront, au cours de leur longue carrière, définitivement connu bien plus de hauts que de bas.