[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]i les musiciens de Vanishing Twin habitent tous à Londres, le groupe est composé de membres venant de Belgique, d’Italie, de France, du Japon. C’est sans doute de là que vient cette volonté de créer une musique sortant des sentiers battus, qui dévoile ses richesses écoute après écoute, mais en conservant un format pop. Ne faisant décidément rien comme les autres, leur premier et passionnant album sort même sur un label spécialisé dans les rééditions d’artistes africains. Nous avons rencontré deux des têtes pensantes de ce collectif pour mieux comprendre la genèse de ce premier album ovni.
Comment s’est opérée la transition d’Orlando à Vanishing Twin ?
Cathy Lucas : Orlando, le nom sous lequel j’ai sorti deux cassettes est vraiment un projet que j’enregistre seule à la maison, au milieu de mon équipement. Quand j’ai voulu me produire sur scène, les chansons sonnaient différemment car chaque membre du groupe monté pour l’occasion apportait sa propre personnalité. C’est à ce moment que nous avons envisagé de créer Vanishing Twin ensemble. Je vais continuer à sortir des disques sous le nom d’Orlando en dehors de ce que va produire Vanishing Twin.
Du coup, quelle est la part de liberté de chacun dans le groupe, qui a la décision finale ?
C.L. : Tout le monde compose et s’investit. Enlève un membre du groupe et nous n’allons plus sonner pareil.
Valentina Magaletti : Peut importe ce que nous accomplissons avec le groupe, ce sera toujours meilleur que notre apport individuel. Nous menons tous différents projets de notre côté, mais c’est Vanishing Twin en tant que collectif qui rend notre musique si spécifique.
C.L. : Notre particularité vient du fait que notre musique est à la fois basée sur une structure et des mélodies, avec en parallèle une porte ouverte aux expérimentations et à la liberté de chacun de s’exprimer. C’est pourquoi l’alchimie du groupe prends parfois le dessus sur le songwriting.
Vous avez beaucoup tourné en 2015. Etait-ce pour vous le meilleur moyen de développer cette alchimie avant de rentrer en studio ?
C.L. : Oui, surtout que le line-up a parfois changé. Jouer en live nous a permis de trouver les bonnes personnes. Nous pouvions ressentir qui était passionné par notre approche et notre style.
V.M. : Il fallait trouver la bonne balance entre l’artistique et les affinités musicales. Une ligne très fine sépare les deux, c’était donc compliqué. Il nous a fallu un an avant d’arriver au line up tel qu’il est aujourd’hui.
C.L. : Nous n’avons pas attendu d’avoir le groupe parfait avant de composer les titres de l’album. Certains existaient déjà et ont été retravaillés. D’autres ont pris naissance lors des sessions d’enregistrement. Chaque jour en studio apportait son lot de surprises, les idées foisonnaient.
V.M. : Nous n’avons pas de Modus Operandi. Un membre peut apporter une idée que l’on travaille ensemble, ou bien on improvise. On s’arrête juste quand on trouve que ça sonne bien.
Dans cette continuité, j’imagine que même si les chansons sont maintenant figées sur disque, vous continuez à les faire évoluer sur scène.
V.M. : On dit souvent qu’une fois qu‘un disque est enregistré, il n’appartient plus au groupe, mais aux gens qui l’achètent. Ce n’est pas faux. C’est pourquoi sur scène nous faisons fructifier l’héritage du disque en laissant vivre nos chansons de la manière la plus libre et ouverte possible. C’est aussi un moyen de ne jamais s’ennuyer en concert. Nous adorons notre métier de musicien, autant le rendre fun. Sinon autant travailler dans un bureau plutôt que de reproduire chaque soir les mêmes morceaux.
Avez-vous du faire le tri parmi beaucoup d’expérimentations pour arriver à un format plus ou moins pop ?
C.L. : Oui car nous avions parfois de jams de vingt minutes. ll faut faire du tri pour arriver à un format classique. Il y a quand même deux titres relativement longs sur l’album.
V.M. : Malcom, notre producteur a fait un gros travail pour rendre nos titres homogènes. Nous avons tranché ensemble sur les différentes sensibilités à mettre en avant, pop, jazz, parfois des mélanges.
Il y a beaucoup d’idées dans chaque titre, mais à deux exceptions près les chansons de l’album sont relativement courtes. Etais-ce une volonté ?
V.M. : Nous n’avons pas du tout raisonné en termes de durée. Notre objectif était plutôt de montrer aux auditeurs que nous pouvions apporter plus qu’une simple pop song, avec des expérimentations sonores, des jams. Nous voulions aller plus loin qu’une simple chanson de trois minutes vingt calibrée pour la radio.
C.L. : C’est aussi le reflet de ce que nous écoutons à la maison. Nous aimons tous la musique qui sort des sentiers battus. Par exemple des disques avec seulement trois titres dans lesquels tu sens la personnalité des musiciens s’affirmer grâce à la liberté apportée par ce format.
V.M. : C’est dans cet esprit que nous voulions garder une certaine naïveté et une fraîcheur pour que notre musique sonne vivante. Nous n’avions aucune intention de sonner comme quelque chose existant déjà, mais juste comme des musiciens passionnés. Copier un artiste est du plagiat. S’inspirer de plusieurs artistes s’apparente à de la créativité. Notre son est une sorte de collage esthétique de nos influences pour créer quelque chose d’original.
En ce sens, le Krautrock semble influencer certains passages du disque ?
V.M. : Oui, et même si les membres de Vanishing Twin viennent de plusieurs pays différents, je te promets qu’aucun d’entre nous n’a un passeport allemand (rire). C’est probablement parce que nous écoutons énormément de disque de Neu! et de Can.
Vous êtes signés chez Soundway Records, une maison de disque d’habitude spécialisée dans la musique Africaine. Comment vous êtes vous retrouvé signés sur ce label ?
C.L. : L’équipe continue de se spécialiser dans les rééditions de musique africaine, mais ils ont maintenant une volonté de se tourner vers ce qui leur semble intéressant sur la scène du Royaume-Uni. Nous sommes parmi les premiers à avoir été signés. La connexion s’est faite par le biais de Malcom Catto d’Heliocentrics qui a produit notre album. Notre signature chez Soundway a du sens car le label est intéressé par des groupes influencés par la musique africaine, d’Amérique du sud ou encore indienne. C’est aussi notre cas. Il y a quelques similarités, même très légères, entre le son de Vanishing Twin et d’autres artistes défendus par le label.
Votre particularité est d’utiliser des instruments inhabituels. Est-ce un moyen pour vous de développer votre créativité dans le sens où, parfois, lorsque l’on se sert d’un instrument pour la première fois, on arrive par accident à en tirer des choses extraordinaires ?
C.L. : C’est la spécialité de Valentina qui aime créer de nouveaux instruments pour ses projets solos ou bien avec d’autres groupes. Nous sommes toujours à la recherche de sonorités inhabituelles. Il en existe beaucoup dans les enregistrements de library music, qui nous inspirent beaucoup. L’aspect historique nous intéresse également. Quand tu as un instrument en face de toi et que tu ne sais pas quoi en faire tellement il est étrange, ça t’ouvre des possibilités. Nous utilisons par exemple un synthétiseur vocal. C’est un instrument analogique relativement rare qui n’a pas de clavier. Tu dois utiliser ta bouche.
Utilisez-vous le son naturel de ces instruments ou bien les retravaillez-vous en studio ?
C.L. : Nous utilisons toujours des effets sinon il y a toujours le risque qu’un son te soit déjà familier si tu l’as déjà entendu ailleurs. Et nous tenons à ce que nôtre son soit inédit.
Cathy, tu t’es entourée d’une sorte de “all star” de la musique indé. Comment as tu fait pour réunir tout ce monde autour de toi ?
V.M. : Nous nous connaissions tous précédemment car nous sommes des membres actifs de la scène londonienne à travers nos différents projets. Nous faisons partie d’une communauté de musiciens. On se retrouve parfois pour jouer des pièces contemporaines. C’est pour cette raison que ça n’a pas été trop difficile de trouver les bons membres du groupe.
Vous jouez beaucoup sur les visuels sur les photos du groupe ou même dans vos vidéos. A quel point appuyer la musique d’une sorte de mise en scène est important pour vous ? En ce sens, dans la tradition de qui avez-vous cherché à vous inscrire ?
C.L. : C’est très important. Je place les deux sur un pied d’égalité. Chaque membre apporte sa pierre à l’édifice visuel. Par exemple Cathy s’occupe de notre look et des visuels sur scène. Je suis obsédée par les pochettes de disques. Notre clavier s’occupe des vidéos.
Quand j’ai vu la pochette j’ai tout de suite pensé aux affiches de films désignées par Saul Bass dans les années 50-60.
V.M. : Ma principale source d’inspiration vient plutôt des pochettes d’albums de jazz de chez Blue Note des années 40 et 50.
C.L. : Nous passons beaucoup de temps à dénicher des disques. Nous tombons régulièrement sur des pochettes qui nous attirent. En ce sens le verso autant que le recto de l’album est une sorte de condensé de ces trouvailles. Il y a un côté très 60’s que j’aime beaucoup.
Crédit photo : Michela Cuccagna
Merci à Thomas rousseau et Solenne Mezieres
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