Depuis un peu plus de trois ans et un premier titre au succès incontournable (la Femme à la peau bleue) Charline Mignot aka Vendredi sur Mer, séduit, titille, interroge, dissémine ses tubes ici et là. Un univers visuel millimétré, deux clips sublimes, un EP, et maintenant, un album : Premiers émois sur le Label Profil de Face.
Ce premier album ce sont treize titres tous à l’image de l’artiste, une pop synthétique dans l’air du temps, follement rétro et éperdument moderne. On ne s’y trompera pas, il s’agit d’amour, d’amour et encore d’amour, ce qui avouons-le colle complètement à la voix suave, profonde et légère de la chanteuse, autrice, compositrice. Vendredi sur Mer c’est un son eighties, des textes scandés, slamés, chantés, murmurés parfois. C’est un univers chewing-gum moins léger qu’il en a l’air et surtout, un regard sur le monde empreint de justesse, d’ironie et de douceur. Il y a les tubesques Larmes à gauche, Ecoute chérie, La femme à la peau bleue, dont on vous défie de les écouter sans a minima secouer les épaules, et puis la fausse légèreté de Je t’aime trop tôt ou Laisse-moi. Il y a aussi et surtout un univers, pensé, réfléchi de bout en bout, de l’objet à la scène.
Autour d’un croque-monsieur et d’une salade, entre deux rendez-vous de promo et une tournée qui s’annonce haute en couleurs, Vendredi sur Mer a gentiment répondu à quelques questions. Rencontre.
Depuis l’EP il s’est passé quasiment un an et demi, et du coup maintenant, ça y est Premiers émois est sorti, comment tu te sens ?
C’est étrange parce que quand on va le sortir on a l’impression que c’est la fin d’un cycle et en fait on se rend compte que c’est vraiment le début d’autre chose de complètement différent et presque comme la première fois où tu sors un titre. C’est comme s’il fallait tout recommencer. Mais c’est chouette, c’est hyper bien et puis, de pouvoir partager plus de chansons avec les gens c’est quand même vraiment cool.
Tu travailles avec Lewis Ofman sur l’album, est-ce que tu veux bien nous expliquer comment vous avez travaillé ensemble, est-ce que tu es arrivée avec des morceaux précis en tête où est-ce qu’il y a eu un travail à deux sur la matière première ?
Alors on s’est rencontré pour La Femme à la peau bleue justement il y a trois ans maintenant et au début, en tout cas sur l’EP, c’était très segmenté, il y avait lui d’un côté à la prod’ et moi de l’autre qui écrivais et qui enregistrais et sans forcément de version 2 ou 3. Là, sur l’album on est parti à Yport, dans une maison, c’était trop chouette. Et évidemment au fur et a mesure, le travail a bougé, la manière de travailler… On était dans la même pièce, ensemble, chose qui n’était pas le cas avant, et j’avais plus de facilité à lui donner des inspirations plus franches, plus directes, parce qu’on était ensemble et aussi parce que j’ai évolué. On a vraiment bossé en symbiose, sans avoir vraiment besoin de se parler, ce qui est est assez étrange.
Vous vous connaissiez avant La femme à la peau bleue ou c’est un concours de circonstances ?
C’est notre manager en fait, que l’on a en commun qui nous a connectés, pour La Femme à la peau bleue et puis j’ai beaucoup aimé donc je lui ai demandé s’il avait envie de continuer. Donc c’était vraiment une rencontre pro au début, et puis c’est devenu un très bon ami.
Il y a forcément de toi dans le personnage Vendredi sur Mer mais c’est aussi un personnage très travaillé, du début à la fin, sur l’image etc. Tu as toujours envisagé ta musique avec ce genre de personnage ou c’est venu au fur et à mesure ?
C’est venu vraiment avec l’évolution, c’est pareil pour la couleur des chansons, c’est quelque chose qui est venu naturellement. Je ne me suis pas dit un matin « Tiens je vais être une espèce de Vénus bizarre, eighties et moderne en même temps » mais je trouvais que ça collait plutôt bien. Et puis en fait quand on avance on se rend compte forcément de comment on a envie de partager les choses aussi. Et c’est vrai que je parlais de personnage mais, au début c’était plus une manière de me protéger parce que ce sont des chansons très intimes et au fur et à mesure quand il y a une facilité en concert, parce qu’il y a aussi de plus en plus de gens, il y a quelque chose qui fait que tu relâches aussi un peu tout ça, donc je crois que le personnage existe encore un peu mais que les deux se sont rejoints.
Justement sur la question de l’univers autour de Premiers émois, c’est visuellement assez marqué, est-ce que c’est toi qui l’a imaginé ou tu as une équipe qui travaille pour ça ?
Évidement je fais partie du processus mais il y a aussi beaucoup de personnes autour. C’est une idée qui a germé dans mon petit cerveau. J’ai choisi la personne qui a fait la pochette, Pauline Caranton, qui est une amie, et je lui ai dit « voilà j’aimerais refaire un peu La naissance de la Vénus de Botticelli, mais pas un truc chiant ». Je voulais éviter le côté sobre et très classique et donc il y a ce fauteuil coquillage, que j’ai sur scène, que j’ai dessiné.
En fait à chaque fois j’apporte une idée et puis ensuite il y a tout autour de moi plein de gens qui font que ça se réalise, que ça s’améliore, que ça reste cohérent aussi parce que parfois je peux partir dans des trucs un peu perchés.
Et pour la partie scène ?
Je bosse avec Dorine Aguilard et Clément Gyselinck qui sont mes deux danseurs sur scène et qui ont chorégraphié tout le live en fait. C’est très chouette de travailler avec eux. Ils m’ont guidée dans ma manière de bouger et m’ont fait gagner beaucoup en terme de confiance en moi. Ils m’ont appris comment investir la scène. Et c’est toujours génial d’être avec eux, on a un peu l’impression d’être à un karaoké. C’est une énergie folle !
Puisqu’on parle de la scène, comment tu vis la scène ?
Très très différemment d’avant en tout cas. Avant elle me faisait un peu peur, je crois, et maintenant, plus du tout. Au contraire, quand je n’y suis pas, je m’ennuie un peu. Je le vis très bien et puis forcément, comme je te disais, il y a de plus en plus de gens qui connaissent et écoutent, et qui du coup chantent aussi et ça c’est assez génial. Surtout que là ça fait un moment que je tourne avec les chansons de mon album mais sans qu’il soit sorti donc il y a eu la Gaïté, le Trianon aussi ou c’est 1h15 mais où les gens n’ont entendus que 8 titres. Là il y en a 12.
Cela dit je n’ai jamais vraiment mal vécu la scène. Je crois qu’il faut vraiment s’amuser et pas trop réfléchir en fait. Avant je réfléchissais beaucoup à comment j’étais, à ce que les gens voyaient. J’avais peur qu’on me juge, qu’on se dise « tiens c’est pas une mannequin » ou ce genre de trucs un peu bêtes au fond, et il y a un moment ou je me suis dit au contraire, mais on s’en fout !
J’imagine que c’est une question que l’on te pose souvent, mais je vais la poser aussi, tout au long de l’album tu passes du il au elle avec beaucoup de fluidité, c’est une volonté, c’est naturel, ou c’est quelque chose que tu as travaillé parce que tu voulais que ça aille dans ce sens ?
J’aime bien me mettre à la place de l’autre, dans une histoire d’amour en tout cas, il y a deux personnes, on est deux forcément. Donc je me dis pourquoi ne pas aussi prendre la vision de l’autre, de ce qu’il ou elle a ressenti. C’est pas des chansons engagées. Je me dis seulement que j’aimerais qu’un jour on ne se pose même plus cette question là, que ce ne soit plus un sujet, en soi. Que l’on ne relèvera plus. Je ne sais pas si ça arrivera un jour mais j’aimerais bien. Et puis aller de l’un à l’autre c’est quelque chose qui me plaît. Mais il y beaucoup d’artistes qui le font en fait, Juliette Armanet le fait aussi et elle dit qu’elle aime être à la fois le masculin et le féminin et c’est quand même chouette de pouvoir jouer avec ça.
Une question que j’aime bien poser : ta collaboration de rêve ?
Eminem ! Sur un truc je sais pas, tu vois qui mélange les deux univers, ça pourrait être très cool.
Dernière question : ça va ce n’est pas trop dur pour Juno (ndlr : le petit carlin bien trop mignon que l’on voit pas mal sur les réseaux de l’artiste !) la célébrité ?
(rire) Mince on me pose de plus en plus cette question. Mais en fait, tu sais elle s’en fout, genre c’est un peste de ouf. Elle me juge tellement.
En tout cas si Juno regarde son humaine de haut, nous pas de doute, on la regarde avec des étoiles – bleues – dans les yeux.