[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]t puis les ombres dansent, les crépitements cheminent, les histoires de cols remontent jusqu’au menton. Entendez ce piano qui craque, qui ouvre un album aux premières notes majestueuses, aux dernières notes somptueuses et à l’entre deux gracieux comme un cygne au milieu d’un lac embrumé. En quelques minutes, les images déferlent. Catherine Watine ne se trompe pas de voix, et avec cette voie lointaine, voit loin.
[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]our s’attirer les regards d’entre deux lignes, le bon chroniqueur s’acharne souvent à lancer du name-dropping à la volée pour être certain qu’il va frapper fort, mais pas forcément juste.
Après avoir longtemps chanté en anglais, touché du doigt l’électro, c’est avec l’âme que Catherine Watine touche la granuleuse vérité de l’acoustique. En paysage vainqueur, un piano patiné, puis les enluminures, bien vite elle s’impose. Encordée de partout, la musique de Catherine Watine s’étoffe peu à peu, au fil de l’écoute. Alors que les premiers morceaux vous couvent avec l’attention que porte une mère à ses petits, elle vous dépose peu à peu, comme pour vous laisser voler de vos propres ailes. A l’Ombre Des Saules débute sur une guitare acoustique classique, presque trop, mais en quelques secondes, tout se retourne à son avantage. Une touche d’électro, des ornements chancelants en arrière plan, et une batterie qui, discrètement, bouscule le rythme, la quiétude emplie de mélancolie.
[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]u bout de quelques minutes, une fois la palette installée, les couleurs apposées, les textes se dévoilent. Des textes mêlant poésie et réalisme, et simple tristesse d’une vie qui écorche parfois les âmes. Elle ose, dans Badaboum Et Tralalère , cette putain de vie, qui passe, et vous laisse forcément un jour sur le carreau, le cul par terre. Les tyrans de la recherche vont vous dire que rien dans ce disque n’est fait pour innover, pour inventer. Et pourtant. Et si aujourd’hui, inventer, c’était aussi tremper sa plume dans l’encrier de la simplicité pour dire les choses, pour dire des choses, à l’heure où tant d’autres ne disent plus rien au travers de chansons vaines et vides de sens ?
Catherine « ne sait pas » comment dire toutes ces choses qui nous posent problème, nous sortir de l’ordinaire, ou fixer notre lopin de terre, de la guerre des mots, aux maux des profits qui se croisent avec les conflits. Catherine n’a pas la prétention de vous faire réfléchir, de vous apporter force et solution, elle vous explique avec une désarmante agilité qu’elle se pose les mêmes questions, auxquelles elle n’a pas plus de réponse que vous. Amour, économie, dérive et port d’attache, tels sont les sujets exposés, mais une fois passée l’écoute du disque, elle s’avoue presque vaincue pour ce qui est de vous donner une réponse.
Les textes ne sont pas ciselés aux cordeaux pour rentrer dans le dictionnaire des rimes riches, ils sont bâtis pour vous taillader l’émotion. Et comme si cela ne suffisait pas, les chansons s’enchaînent sans discontinuer. Point de silence réparateur, une fois happé, vous êtes condamné à écouter cet écrin de fragilité chancelant, serti de cordes magnifiques, et de guitares manipulées, triturées, comme sur Atalaye, titre qui clôt avec majesté un disque sous forme de voyage.
Ce voyage que l’on fait seul, parfois, pour traverser un pays, les yeux rivés à la fenêtre, laissant le décor défiler, parfois à regret, en se disant que peut-être, on aurait pu y gagner à s’arrêter là, quelques instants. Ma Déchirure se bouscule seule, dans ses rythmes, se casse, se brise, apprivoisée par des bruits étranges, de petits craquements acoustiques et les flots d’un ondiste recomposé. Car la musique de Catherine Watine est riche de cette douceur surannée, et pourtant ancrée dans une réalité féconde en images parfois douloureuses, et parfois réconfortantes. Atalaye est un album qui vous prend par l’épaule pour vous dire que la vie est parfois rude et sans pitié, mais qu’il y aura bien quelqu’un pour vous soutenir, vous réconforter, vous faire sourire, ou à défaut, vous tendre un mouchoir. En tout cas, il y aura quelqu’un pour vous, et ça, c’est déjà bien.