Big brother, 1984 et Georges Orwell, mythique non ? Xavier Coste, il y a 2 ans a adapté magnifiquement ce chef d’oeuvre en bande dessinée. Mettre ces mots en images, rendre compte de l’univers kafkaïen d’Orwell, des suspicions permanentes, d’une vie tronquée, c’était un sacré pari. Largement réussi. Xavier Coste aurait pu en rester là mais obsédé par cet univers, il se lance dans l’invention d’une suite avec l’aide d’un complice, le co-scénariste Philippe Börgn.

Vous l’avez compris, j’ai beaucoup, beaucoup aimé la première adaptation. Je me suis lancé dans Journal de 1985 avec une petite appréhension. Balayée dès les premières pages. Deux bande dessinée, deux ambiances ? Pas vraiment car on retrouve totalement l’univers de 1984 dans la suite. Big Brother est toujours là, la guerre aussi, les caméras surveillent tous les faits et gestes de la population. L’avenir est sombre, très sombre. Le propos aussi. Un très petit espoir subsiste. Pourtant, un nouveau personnage est en résistance : Lloyd Holmes et c’est son journal « mental » que nous découvrons peu à peu ainsi que son histoire singulière. Mental car en 1985, l’écrit, les livres sont toujours proscrits. Pourtant, le livre de Winston circule. Déposé ça et là par la résistance.

Si Lloyd et Winston le héros de 1984 se ressemblent et suivent peu ou prou la même trajectoire, cela n’a absolument pas gêné ma lecture. On « vit » avec eux et on souffre avec eux, tout le long du livre. On a peur, on a froid et on tremble. C’est une expérience éprouvante.

Le passé de Lloyd ressurgit à travers ses cauchemars récurrents et terribles. Son frère, qui lui ressemble trait pour trait, a dénoncé leurs parents qui cachaient un livre de poésie. Crime innommable suivi de peine de mort. Les frères seront séparés avant de se retrouver par hasard des années plus tard donnant une nouvelle trajectoire au récit de Coste et Börgn. Lloyd continue de résister et suite à un événement que nous ne pouvons que taire, il s’approchera de plus en plus du cercle du pouvoir donnant ainsi au lecteur des scènes fascinantes et époustouflantes. Je pense notamment au travail effectué au sein de Big Brother, ces assemblages de pièces minuscules toute la journée, la soirée avec des pauses minutées, avec des chefs qui contrôlent tout et sanctionnent si besoin.
Les références auxquelles on pourrait penser ici sont nombreuses et forcément sujettes à interprétation : À la ligne de Joseph Ponthus ou encore Bienvenue à Gattaca.

Le monde décrit par les auteurs est schizophrénique. Lloyd oscille sans cesse entre espoir et désespoir. Les dialogues et prises de décision entre lui et sa cellule de résistance donnent encore plus un monde totalement sclérosé. Et les dessins proposés par Xavier Coste, tout en verticalité nous étouffent le plus souvent, s’il en était encore besoin. Cette société fascisante ne cesse de nous interpeller et résonnera longtemps dans notre esprit.