[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ff9900″]C[/mks_dropcap]inéaste emblématique du Nouvel Hollywood, malheureusement longtemps occulté par la critique française et aujourd’hui largement oublié, Hal Ashby n’a peut-être pas bénéficié de la même postérité que ses pairs des 70’s encore en activité à l’heure actuelle. Pour autant, il nous a légué une filmographie, pour cette même décennie, d’une grande qualité, véritable témoignage de cette époque charnière.
Issu d’un milieu populaire, Hal Ashby fait ses gammes au sein de l’industrie auprès des plus grands. Assistant-monteur chez William Wyler, sur des films comme Les Grands Espaces (1958) et La Rumeur (1961), c’est surtout chez son autre mentor, Norman Jewison, que ses talents de monteur furent reconnus avec notamment Dans la Chaleur de la Nuit (1967), pour lequel il remporte un Oscar, et L‘Affaire Thomas Crown (1968).
Jewison lui donne finalement sa chance au début de la décennie avec Le Propriétaire (1970), un projet qu’il devait initialement porter. La critique américaine apprécie ce coup d’essai qui nous raconte la confrontation entre un jeune bourgeois naïf, interprété par Beau Bridges, devenu le propriétaire d’un immeuble situé dans un quartier populaire en proie à la gentrification. Ce prisme social et culturel est une constante de son cinéma, en phase avec les interrogations de la jeunesse de son temps.
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L’année suivante sort l’un de ses plus célèbres film, Harold et Maude, bien que d’aucuns oublièrent qu’Hal Ashby était derrière. Sur un script de Colin Higgins, cette romcom noire nous narre les pérégrinations d’Harold (Bud Cort), personnage proto-burtonien, fasciné par les cimetières et qui ne cesse de mettre en scène ses propres suicides. Un ado dépressif et tourmenté comme il en existe beaucoup d’autres chez Ashby et dont la mère, une bourgeoise conservatrice qui cherche à tout prix à le marier, fait aussi écho à d’autres personnages de ses films. Puis, survient Maude (Ruth Gordon, la nourrice maléfique de Rosemary’s Baby) grand-mère excentrique et rebelle qui approche les 80 ans. Cette dernière redonne au jeune Harold le goût de vivre. Toutefois, derrière la générosité mièvre de Maude, son passé se dévoile au compte-gouttes, notamment à travers un discret plan sur un tatouage qu’elle porte sur l’avant-bras.
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Ici Ashby joue habilement sur les ruptures grâce à un brillant montage mais aussi via la musique sublime de Cat Stevens. Celle-ci accompagne joyeusement les faux suicides d’Harold tout comme les rapprochements entre les deux personnages. C’est avec ce film que se mettent place les principaux motifs du cinéaste : une jeunesse rêveuse en quête de repères, un portrait à charge des institutions rongés par le conservatisme, l’armée en tête, et surtout un ton globalement doux et mélancolique à rebours de la violence qui peut exister dans le cinéma de ses confrères de l’époque.
En 1973, La Dernière Corvée nous narre le périple de trois marins à travers les États-Unis. Deux officiers incarnés par Jack Nicholson et Otis Young doivent escorter un jeune marin cleptomane (Randy Quaid) condamné à 8 ans de prison. Les deux officiers, au début peu enclins à accomplir cette « corvée », font en sorte de faire durer le voyage jusqu’à la prison le plus possible afin de passer du bon temps avec ce jeune matelot sans expérience. Ashby joue sur la lenteur de son métrage, avec ses nombreux voyages en train, rares dans le cinéma américain et prend beaucoup de plaisir à filmer les nombreuses scènes d’ivresse et de barbecue sous la neige. Richard Linklater réalisa une suite spirituelle, sorti en 2017, Last Flag Flying avec Steve Carrel, Bryan Cranston et Laurence Fishburne.
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En 1975, Hal connaît son premier vrai succès commercial avec Shampoo. Œuvre mélancolique se déroulant en 1968, avec Warren Beatty dans le rôle d’un coiffeur play-boy. Un film porté par une bande-son folle et qui n’est pas sans rappeler dans sa tonalité l’un des derniers films de Quentin Tarantino. En 1976, Ashby continue d’explorer l’histoire sociale et culturelle de son pays avec En Route pour la Gloire mais cette fois-ci dans une veine folk. Il s’agit d’un biopic sur Woody Guthrie, chanteur vagabond de la Grande Dépression.
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En 1978, à l’instar des grands réalisateurs des 70’s, Ashby réalise son grand film sur le Vietnam, taillé pour les Oscars. Une réalisation, encore une fois, portée par une piste musicale flamboyante qui joue, encore une fois, sur les décalages avec ses vétérans mutilés de guerre au bout du rouleau et les Rolling Stones en fond sonore. Coming Home (Le Retour) est un très beau triangle amoureux entre Jon Voight, vétéran paraplégique désabusé, Jane Fonda, une épouse esseulée après le départ à la guerre de son fiancé, Bruce Dern. Comme à son habitude, le natif d’Utah filme avec beaucoup de tendresse ces vétérans reconvertis en hippies, ainsi que ces officiers réacs mais conscients de l’absurdité de la guerre. Comme souvent chez Ashby, on retient surtout l’interprétation de son casting plutôt que la qualité de sa mise en scène. Entre une Jane Fonda qui s’émancipe de sa vie de femme au foyer en étant bénévole à l’hôpital militaire, et surtout Jon Voight (aujourd’hui fervent supporter de Trump) dont la prestation et notamment son discours anti-guerre final, furent récompensés d’un Oscar, Hal Ashby aura offert de nombreux grands rôles à ses comédiens, souvent primés.
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Enfin en 1979, son dernier grand film Being There (Bienvenue Mister Chance), porté par Peter Sellers, est en quelque sorte la quintessence de son cinéma. Adapté d’un roman de Jerzy Kosinsky où Sellers incarne Monsieur Chance, son dernier rôle, un ingénu jardinier qui n’a jamais quitté son domicile et qui ne connaît le monde extérieur que grâce à la télévision. Expulsé, il découvre le monde réel lors d’une séquence géniale sur le célèbre Also Sprach Zarathustra de Richard Strauss (immortalisé dans la mémoire collective par 2001, L’Odyssée de l’Espace), mais ici dans sa version reprise par Eumir Deodato. Ses aventures l’amènent de manière improbable à devenir le conseiller ou l’oracle du président des États-Unis. Une fable satirique glorifiant les idiots magnifiques à la veille de l’élection de Ronald Reagan.
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Les années 1980 sont plus compliquées pour Ashby qui doit faire face à la maladie. Son dernier film, Huit Millions de Façons de Mourir (1986), un néo-noir violent qui dénote avec le reste de sa filmographie mais qui fut sans doute une source d’inspiration pour Reservoir Dogs, sorti quelques années plus tard.
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En septembre 2018, un documentaire projeté à Sundance intitulé Hal, revient sur la vie et le travail de ce porte-étendard cinématographique de la culture underground américaine.