[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]a Face Cachée, ça vous dit quelque chose ? Ceux non atteints encore par Aloïs me diront : ben ouais, ils ont sorti, via Specific Recordings, le très bon Transhumance de La Bergerie et quelques autres galettes mémorables en début d’année. Pour les autres, souvenez-vous, je vous avais fait un rapide descriptif de la palette très large de leurs différents labels. Si vous voulez voir de quoi il s’agit, je vous conseille d’aller vous faire une idée ici. Maintenant, il se trouve qu’un de leur label, 213 Records, le plus expérimental, sort le troisième chapitre des aventures électroniques de Ihan.
Ihan, Yan Arexis de son vrai nom, est un peu l’ambassadeur français du glitch, musique électronique faite à partir des dysfonctionnements technologiques (bugs, rayures de cd, crashes, distorsion digitale, etc …). Il s’est illustré en 2000 en sortant son premier album (Iota) chez le célèbre label allemand Mille Plateaux, reconnu pour la qualité de ses sorties et son exigence (SND, Oval ou Gas en ont fait partie) et intègre la célébrissime compilation Clicks + Cuts aux côtés de SND, Pole, Pan Sonic, Vladislav Delay, Farben ou Alva Noto. Excusez du peu.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]N[/mks_dropcap]éanmoins, pendant plus d’une décennie, Yan met en sommeil Ihan pour explorer d’autres contrées l’emmenant du côté du pagan black metal (Sus Scrofa) ou du folk/ritual (La Breiche), entre autres. Cependant, en 2015, il remet en route Ihan et sort un second disque, Pergelisol, uniquement disponible sur bandcamp et, ces derniers jours, il publie, dans le cadre des Synesthesic Alchemy, III, son nouvel album.
Je sais, je vois bien le point d’interrogation au dessus de vos têtes à l’évocation des Synesthesic Alchemy. Pour tout vous dire, il s’agit d’une série dédiée à la musique expérimentale, improvisée, libre, éditée exclusivement en vinyle et limitée à 213 exemplaires. A chaque nouvelle sortie, le design est toujours le même, à savoir minimaliste et épuré, avec pour seule variation la couleur (ici, pour cette cinquième référence, il s’agit du violet).
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]M[/mks_dropcap]aintenant, recentrons un peu le débat et parlons de ce nouvel album. Troisième volet des aventures de Ihan, III se veut un disque expérimental, exigeant et relativement accessible malgré sa noirceur. Vu que c’est un vinyle, il offre deux faces. La première, oppressante au possible (suffit juste d’écouter le sixième morceau aux beats sérieusement plombés pour s’en assurer), est une sorte de long tunnel humide, duquel s’échappe parfois quelques sons connus mais peu rassurants (le minimal dub opaque d’un Plastikman adepte du sur-place sur le quatrième morceau), jouant avec le silence (les deux derniers morceaux explorant le dark ambient, s’enfonçant dans des abîmes des noirceurs pour le moins effrayantes, dans lesquelles on distingue à peine quelque trace de glitchs en arrière-plan), anxiogène à un tel degré qu’on finit par chercher son souffle (l’insuffisant respiratoire cinquième morceau, où Lynch croise Richard D James).
La seconde face va quelque peu varier les ambiances, moins sombre en début de parcours, plus accessible par endroit, flirtant vers l’indus d’un Pan Sonic (le techno et martial premier morceau), s’offrant quelques moments presque lumineux (lorgnant vers les Selected Ambient Works d’Aphex Twin dans lequel les glitchs, s’apparentant aux craquements de vinyles, dictent presque le rythme). Néanmoins chassez le naturel, il revient au triple galop : les morceaux ambient restent toujours aussi oppressants (pour preuve, le second morceau, complètement irradié ou encore le quatrième, minéral voire aquatique) et Plastikman se laisse tailler en pièce sur le cinquième morceau pour laisser place à un silence assourdissant, amenant à un ultime morceau basé sur de simples oscillations. Aussi, lorsque vous pensiez vous en sortir en début de face, vous voilà complètement paumé, l’obscurité se refermant totalement sur vous à la fin du voyage.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]B[/mks_dropcap]ref, ce cinquième chapitre des Synesthesic Alchemy confirme non seulement la qualité de la série (le troisième, Incubus/Sucubus de Gouffre, mérite qu’on s’y attarde) mais aussi le retour au premier plan d’Ihan (qui a également sorti sur bandcamp la suite toute aussi bonne de III : IV) sur les terres électroniques. Après, en matière de musiques électroniques, vous pourrez toujours aller faire un tour du côté du nouvel Ep d’Aphex Twin mais si vous recherchez quelque chose de plus consistant, expérimental et sombre, n’hésitez pas à vous plonger dans les gouffres d’Ihan, peu accueillants certes mais autrement plus excitants. Pas sûr que vous en ressortirez indemne par contre.
Ihan – III
Sortie le 21 septembre chez 213 Records uniquement en vinyle et disponible chez les disquaires disposant d’une section Lorraine dans leur boutique.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]près si vous souhaitez changer d’air, vous diriger vers une ambiance moins oppressante, un conseil, toujours via La Face Cachée, la sortie de deux nouvelles références sur le label Night Records : les impeccables Milk Cow Blues de Kokomo Arnold et Drop Down Mama de Sleepy John Estes.
Pour le premier, en cherchant bien, on pourrait se dire qu’il est, dans l’esprit, l’ancêtre de Mark Hollis. En effet, comme Hollis, le gars révolutionne son style (notamment grâce à son jeu de guitare : il est gaucher et joue de son instrument à plat), le fait avancer, le popularise en enregistrant, dans les années 30, près de 80 morceaux pour Decca et, en 1938, une fois le succès obtenu, abandonne le milieu musical pour travailler en usine (bon, là, je suis pas sur qu’Hollis ait fait de même). Musicalement, les 14 morceaux retenus par Jean-Luc Navette sont assez proches d’un Robert Johnson voire plutôt d’un Blind Lemon Jefferson (dans la façon de chanter) ou d’un Charley Patton. Bref, le blues proposé par Kokomo Arnold est on ne peut plus traditionnel, à contrario de celui de Sleepy John Estes, seconde référence à sortir le 21 septembre chez Night Records. Là on quitte le blues pur pour s’approcher du Delta Blues grâce à une guitare (souvent désaccordée), un harmonica, une mandoline, une voix qui détone, un jeu privilégiant l’émotion à la virtuosité et une approche plus folk que blues (on n’est pas loin parfois d’un Woody Guthrie). Le résultat est, vous l’imaginez aisément, indispensable et ce grâce à la sélection (une nouvelle fois irréprochable) ainsi qu’au visuel (toujours aussi impressionnant) de Jean-Luc Navette, au mastering de Julien Louvet (impeccable) et, accessoirement, à l’immense talent de Sleepy John Estes.
Au final, pour La Face Cachée, les sorties se succèdent à grande vitesse mais s’avèrent toutes aussi indispensables les une que les autres. Et autant vous dire que d’ici la fin de l’année, vous devriez entendre à nouveau parler des Messins.
Milk Cow Blues de Kokomo Arnold et Drop Down Mama de Sleepy John Estes
sont tous deux sortis le 21 septembre dernier chez Night Records (dont on vous conseille également le Devil Got My Woman du génial Skip James) et disponibles chez tous les disquaires cotonneux de France et de Navarre.
Merci pour le super article ! En revanche, ce n’est pas le bon Night Records 🙂 (on a pas de page dédiée en fait)
Merci (et erreur rectifiée).
merci pour la précision, correction faite 🙂
Oups, désolé pour la boulette