Il est des annonces dont on ne se remet jamais. Dans les voix lugubres et grésillantes d’une radio au matin, un son qui parfois vous ampute d’une vie de chansons.
Barbara c’était celle qui a rempli mes silences adolescents, mon errance à la fac, donné sa mélodie à tous mes états d’âme.
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C’était la solitude et les mauvais souvenirs d’enfance.
C’était l’horreur et le cauchemar, les démons transfigurés en un majestueux aigle noir.
C’était une gestuelle outrée pour compenser le souffle qui manquait dans les dernières années.
C’était le romantisme, l’élégance et le raffinement.
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C’était l’inaccessible qui m’écrivait un soir de Vienne et dont je guettais l’ombre en vain.
C’était la BO de mes plus belles histoires d’amour à sens unique.
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C’était la réconciliation de Göttingen après les traumatismes de la guerre.
C’était la douce nostalgie de Marienbad et des yeux de Jade qu’ont les beaux souvenirs.
C’était une petite cantate, obsédante et maladroite.
C’était le chagrin d’une vieille dépouillée de son passé, hagarde à la sortie de la salle des ventes.
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C’était la lettre incrédule et déchirante qu’on envoie à « madame » après la réception d’une horrible missive bleue.
C’était une résurrection sautillante après des insomnies chroniques et suicidaires.
C’était un joyeux Noël qu’on passe dans les bras d’un amant.
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C’était la beauté, la malice, la mélancolie, la révolte et l’humour d’une femme en liberté, paradoxale… on a l’impression qu’un souffle aurait pu balayer cette longue dame brune, en même temps qu’on la savait assez forte pour supporter tous les désastres.
J’ai été amoureux de ses chansons à vingt ans. Je me les repassais chaque jour en me disant qu’elle avait saisi le son que faisait mon âme. Chaque jour, plusieurs fois par jour, elle visitait ma chambre, comme quelqu’un qui savait comme personne redonner leur grâce à mes moments perdus. Une voix qui console. Une voix qui comprend. Et des mots qui nous manquaient pour supporter les jours. Barbara fait partie de mon panthéon. Comme Jim Morrison, Baudelaire ou Patti Smith. Des artistes qu’on cherche pour se sauver la vie ou pour la supporter quand elle tourne vinaigre.
Le mal de vivre qu’il faut bien vivre, vaille que vivre.
Je me souviens de ce matin de novembre où il faisait un peu plus froid dans ma vie. Où d’un coup je me suis senti un peu plus seul. J’avais perdu mon amie. La même chose, la même perte que j’ai éprouvée quand David Bowie est mort, ou quand j’ai découvert trop tard Freddie Mercury, qui s’est éteint également un 24 novembre.
A chaque 24 novembre, c’est à eux que je pense.
Et c’est là que commence chaque année mon hiver.