« Do You Really Want To Hurt Me » de Culture Club fait partie de ces tubes reconnaissables aux premières notes, qui activent par effet réflexe la fonction automatique « Blind Fold Test » et la base de données mémorielles inscrites dans votre cerveau, tel un jukebox intérieur. Le processus est autant psychique qu’organique, avec la promesse de ressentir à nouveau des émotions profondes remontant plus ou moins à une période correspondant au Paléolithique supérieur de votre jeunesse, l’entrée dans l’adolescence.
Aussi, la date précise du 3 septembre 1982 importe assez peu. La diffusion d’un single était très loin d’être instantanée comme elle peut l’être aujourd’hui. La date importe seulement pour se dire : « Mais alors, c’est donc dans le courant du mois de septembre 1982, pas avant, qu’un premier passage radio est à l’origine de cette première découverte (quelques mois avant la déferlante Thriller de Michael Jackson. L’album est sorti en décembre 1982. Le tsunami Jackson s’est donc fait ressentir surtout en 1983 et 1984).
« Do You Really Want To Hurt Me » de Culture Club a la grande particularité de préparer l’auditeur à ressentir ses émotions. Ce très court moment de préparation est le jaillissement de la voix de Boy George chantant « Give me time to realize my crime » a capella accompagné par un cœur Gospel. Le crime est bel et bien prémédité. Les préliminaires de caresses auditives ainsi reconnus dès les premières secondes vous ont alors mis en condition d’attente pour ressentir émotionnellement et physiquement les répétitions du refrain « Do You Really Want To Hurt Me / Do you really want to make me cry » que vous avez envie d’entendre encore et encore.
Ce titre a aussi la particularité d’être un chant sur un mode slow (limite lascif) posé sur un rythme reggae entraînant, effleurant même la dub. Vous avez alors l’irrésistible envie de danser les yeux fermés, vous imaginant sur une piste de danse en intérieur ou extérieur, peu importe. Dans une discothèque bondée et enfumée (et, oui, on sentait cruellement la clope à la sortie) ou bien, en rêve, sur le plancher d’un bal musette sous un soleil tropical. Le tout est qu’il fasse chaud, très chaud. Et vous dansez, vous dansez, car tout le monde peu danser sur ce rythme reggae.
Ce qui frappe aussi, en revoyant le clip, c’est bien sûr le look de Boy George : dreadlocks et maquillage outrancier. On l’imaginait bien « pédé ». Oui, c’était plutôt le terme employé à l’époque par les ados, avant de dire homosexuel, le terme « gay » était rare voire inconnu. Mais là, Boy George l’affichait et le vivait avec une telle aisance positive et une telle spontanéité que cela allait de soi. À vrai dire, à l’époque, cela m’importait peu, adolescent dans une petite ville de Haute Bretagne, où il s’agissait plutôt de refréner mon vocabulaire patois / gallo pour être un peu plus civilisé. Civilisé, mais loin, très loin de ces questions de genres qui devaient agiter les communautés underground de Londres, Paris ou New York.
J’ai appris depuis, en écrivant un livre sur un groupe allemand nommé Kraftwerk, que Boy George faisait partie de la bande des Blitz Kids, une communauté se retrouvant au club le Blitz à Londres, dans les années 1978/1980, pour danser et s’éclater sur la bande son de l’époque : Giorgio Moroder, David Bowie, Kraftwerk, en étant maquillés et vêtus d’un patchwork de costumes récupérés et retaillés par eux-mêmes. Tout le décorum des Nouveaux romantiques jouant avec les codes vestimentaires en mélangeant les époques. Ce mouvement avait déjà engendré « Fade To Grey » de Visage et même fait un passage dans le clip « Ashes To Ashes » de David Bowie, tous deux en 1980. « Do You Really Want To Hurt Me » de Culture Club en est le pendant insouciant et chaleureux totalement assumé.
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