[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]e suis allée à la rencontre de Nadège Agullo et Estelle Flory, deux des fondatrices des éditions Agullo. J’étais curieuse de savoir pourquoi et comment leur était venue l’idée de lancer une nouvelle maison d’édition aujourd’hui, en 2016.
Lilie Del Sol : L’équipe d’Agullo est composée de combien de personnes et quels sont leurs rôles ?
Nadège Agullo : Nous sommes quatre :
Estelle Flory, en charge de l’éditorial, du travail des textes et des traductions.
Sébastien Wespiser en charge de la direction commerciale et de la relation libraire,
Sean Habig en charge de l’image de nos livres et de la maison,
Nos livres seront défendus auprès de la presse par nous-mêmes ou par des attachées de presse.
Et je chapeaute mettant la main à la pâte dans tous les domaines suscités.
L : Quel est votre parcours à chacune ?
Nadège : Des études de droit de la propriété intellectuelle à Bordeaux spécialisées dans l’édition puis déménagement à Paris, passage chez Grasset et Stock puis en 1999 nouveau déménagement à Londres avec des copines, un an plus tard les copines rentrent et je décide de rester ; en tout je passerai environ 10 ans là-bas. J’ai travaillé chez un éditeur anglais Carlton Books en tant que responsable des droits étrangers. En 2008 je pars à Paris et me retrouve en charge du département des droits étrangers chez Michel Lafon. Puis en 2011 retour chez moi à Bordeaux et passe les deux années suivantes à penser et structurer le projet Mirobole qui ouvre en 2013. 2016 voit la naissance d’Agullo Editions.
Estelle : Après Sciences Po Paris et une maîtrise de littérature comparée, je me spécialise en édition avec un Master 2 qui me permettra d’effectuer mes premiers stages en maison d’édition. Notamment au Castor Astral, dans la collection Escales des lettres dirigée depuis Bruxelles par Francis Dannemark, où je resterai finalement une bonne année. À mon retour à Paris, je fais un passage express chez Albin Michel, avant d’arriver chez Michel Lafon où je travaillerai d’abord à la direction littéraire des textes français, puis serai chargée, à partir de 2011, de la littérature étrangère adulte. Fin 2014, je pars en congé sabbatique pour voyager (États-Unis, Canada, Tunisie, Chine), et c’est au cours de cette année que le projet Agullo commence à prendre forme tout au long de nombreuses discussions avec Nadège et Sébastien.
L : Pourquoi et comment avoir décidé de passer le « cap » de la création d’une maison d’édition ?
Nadège : Avec beaucoup de ténacité, de persévérance et une nécessaire dose d’audace.
Le poste de responsable des droits à Londres m’a envoyée partout en Europe et je garde des souvenirs très marqués des pays étrangers que j’ai visités. J’ai découvert là des spécificités culturelles, historiques ou sociales fascinantes nourrissant des littératures contemporaines de qualité – notamment de genre – qui étaient selon moi trop peu présentes en France. De plus, j’ai trouvé que l’approche anglaise de l’édition était bcp plus audacieuse notamment en ce qui concerne l’objet livre. Là-bas Impossible is not English ! C’est en grande partie cette envie de partager ces voyages, ces différences et curiosités culturelles – qui ne font qu’accentuer qu’au fond nous sommes tous les mêmes -, qui m’a menée à passer le pas et créer une 1ère maison d’édition.
La création d’Agullo Editions elle, s’est avérée bcp plus simple et rapide ! Née à la suite de belles rencontres professionnelles puis humaines, nous étions tous guidés par le même désir de partage, de curiosité, bref nous étions sur la même longueur d’ondes culturellement, humainement et littérairement…
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »26″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#800080″]« Abolir les frontières » [/mks_pullquote]
Estelle : En ce qui me concerne, c’est quelque chose qui me trottait dans la tête depuis un moment. Je voulais pouvoir publier des textes que j’avais vraiment envie de partager, les travailler différemment, en prenant plus le temps, les défendre différemment aussi, avoir la possibilité de faire des choix plus risqués, plus personnels. Nadège et moi sommes amies depuis son passage chez Michel Lafon, j’avais suivi l’aventure Mirobole de près, et quand elle m’a parlé de monter une nouvelle structure, j’ai tout de suite été emballée. C’est une question de rencontre, de timing idéal : Nadège, Sébastien, et moi sommes absolument complémentaires, et on s’est tout de suite sentis sur la même longueur d’ondes. Le même enthousiasme, la même envie de partage, la même curiosité pour les sentiers de traverse.
L : Comment définiriez vous le métier d’éditeur ?
Nadège : Nous endossons le rôle de l’entremetteur, nous facilitons la rencontre de l’auteur et du lecteur, nous sommes un passeur de l’ombre.
Personnellement j’adore chiner, fouiller, et farfouiller, dégoter et tomber sur LA perle rare, le petit bijou littéraire, à partir de là je n’ai qu’une envie, partager cette pépite avec le monde.
Il est important de sortir des sentiers battus en proposant des textes démontrant une fraîcheur par rapport à ce qui a déjà été publié, la valeur d’un texte peut se révéler sous de nombreux aspects : outre l’écriture, il y a le thème, le contexte, la structure, ce qui est important c’est que chaque livre puisse apporter un petit ou grand enrichissement au lecteur.
Estelle : C’est un métier aux multiples facettes. D’abord, on cherche : des textes, des auteurs, des voix. Il n’y a rien de plus excitant que de lire un manuscrit et à mesure qu’on lit, se dire « Aaaaah, ça c’est bien, ça déchire ! Là, il y a quelque chose qui me fait vibrer », et puis dès qu’on l’a terminé, d’avoir envie d’en parler à la Terre entière. Ensuite, on choisit : être éditeur, ça veut dire aussi dire non, plus souvent qu’on dit oui. Quand on a dit oui, l’étape suivante c’est de travailler le texte qu’il s’agisse d’un texte français ou d’une traduction. On ne soulignera jamais assez l’importance du choix du traducteur, par exemple. Ou celle des discussions pointues avec les correcteurs… Enfin, on défend le texte, on le partage, on accompagne les auteurs dans la durée… Finalement, on est une sorte de facilitateur, de passeur entre le texte et le lecteur en bout de chaîne. Mais tout part de ce « Aaaaaah, ça déchire !! »
L : Pouvez-vous nous parler des premiers ouvrages que la maison Agullo a choisi d’éditer pour commencer au mois de mai prochain ?
Estelle : Le 12 mai nous publions nos trois premiers titres :
Le Fleuve des brumes, de Valerio Varesi
(traduit de l’Italien par Sarah Amrani)
Un polar impressionniste italien (parmesan, plus précisément). Situé dans la région de Parme et de la basse plaine du Pô, il nous plonge non seulement dans une région riche en histoire (berceau du communisme et théâtre d’affrontements violents entre Chemises brunes et Partisans à la fin de la 2e guerre mondiale) et en gastronomie (polenta frite, ragoût de sanglier ou pâtes au couteau, le tout accompagné de lambrusco ou de fortanina tannique et pétillant…), mais aussi dans un milieu méconnu et fascinant, celui des bateliers qui vivent et travaillent sur le Pô, une communauté taiseuse dont le mode de vie est en train de disparaître.
Spada, de Bogdan Teodorescu
(traduit du roumain par Jean-Louis Courriol)
Un roman de politique-fiction roumain, qui met en scène une histoire de meurtrier en série dont les victimes sont toutes des Roms au casier judiciaire bien rempli, à travers le prisme de son instrumentalisation politique et médiatique. Au-delà de l’enquête policière, c’est un voyage à la fois glaçant et hilarant dans les coulisses de la vie politique et médiatique d’un pays, avec tout ce qu’elle comporte de corruption, de petites ou grandes compromissions, de récupérations, de retournement d’alliances, de personnages prêts à tout pour se faire mousser, même à encourager un conflit interethnique.
Refuge 3/9, d’Anna Starobinets
(traduit du russe par Raphaëlle Pache)
Un roman russe complètement inclassable, qui mêle folklore russe, dystopie, fantastique, road movie et histoire d’amour et de famille… Comme un enfant de Kafka et Pelevine nourri aux contes de Baba Yaga. Anna Starobinets a cette capacité incroyable à créer des univers singuliers et personnels auxquels on adhère sans se poser de questions, porté par sa langue belle et pure.
L : Pourquoi ces choix précisément ?
Estelle : Chacun de ces titres est porteur, justement, d’un univers. Chacun d’eux nous emmène en voyage, dans des lieux, des temps, des milieux différents, méconnus et fascinants. Et chacun d’eux, aussi, dit quelque chose sur le monde dans lequel on vit. Qu’il s’agisse des remontées de l’Histoire dans Le Fleuve des brumes, de notre vision de la communauté rom et de la corruption qui règne au sommet de l’État et des médias dans Spada, ou des questions de culpabilité, d’égarement et de manipulation au cœur du Refuge 3/9, tous ces textes font écho à des réalités auxquelles nous sommes confrontés, chacun à sa façon.
Ce sont aussi trois textes très différents, et il nous tient à cœur de partager la diversité qui anime notre catalogue, à la fois territoriale, dans les thèmes et dans la forme.
L : Quelle est la singularité d’Agullo Editions par rapport aux autres éditeurs ?
Estelle : Peut-être que notre singularité tient au fait que nous ne nous interdisons rien. Nos parcours sont variés, parfois tortueux, et ça nous donne une grande liberté de tenter des choses. Le meilleur exemple en est probablement l’identité visuelle que nous avons choisi pour nos livres, créée par le 4e associé, Sean Habig, un directeur artistique génial qui ne travaille pas habituellement dans le secteur de l’édition. Son regard n’est donc pas « formaté » édition, et ça lui permet de proposer des choses très audacieuses. Le fait de se servir d’un bandeau cartonné pour y inscrire titre, nom de l’auteur, et autres informations sur le livre, et d’avoir ainsi une couverture « dépolluée » de tout texte, nous permet de proposer des livres qui sont aussi de beaux objets : chaque couverture est un photogramme unique créé pour le livre.
L : Lorsque l’on découvre vos choix éditoriaux pour vos trois premiers ouvrages j’ai envie de dire qu’Agullo semble être un éditeur qui veut s’inscrire dans son époque sans aucune limitation de frontières, idéologie et selon une ligne directive qui me semble assez « claire » : la richesse de la pluralité du monde et cette volonté d’aller la chercher là où elle se trouve et pas forcément, là où on semble la voir. Je me trompe ?
Nadège : Non, c’est exactement ça. Ce n’est pas pour rien qu’on a choisi pour slogan : Abolir les frontières. Et on ne parle pas que des frontières géographiques, mais aussi culturelles, de genre, entre les différentes formes d’expression (photo, littérature, cinéma, musique)… À travers nos parcours, on a tous été nourris, éblouis, transportés par ce que tu appelles la richesse de la pluralité du monde, et c’est ça qu’on veut partager grâce aux livres qu’on publie.
Bonjour,
Je viens de terminer un roman intitulé « Qu’est-il arrivé à Sonia Libermann? »
librement inspiré de l’histoire de Wiera Gran qui fut chanteuse au ghetto de
Varsovie en 1942.
J’ai déjà publié chez l’Harmattan un roman historique intitulé « Syrie, mon amour ».
Acceptez-vous l’envoi de manuscrit par e-mail?
Merci de votre réponse.
Cordialement
Christine Malgorn