[dropcap]L[/dropcap]e 24 février 2022 est arrivé comme une déflagration.
Certains l’avaient vu venir, d’autres s’y refusaient.
Et pourtant, au réveil ce matin-là, on ne pouvait plus fermer les yeux.
Qui plus est, contrairement aux autres guerres en cours sur la planète, cette invasion était voisine, voire frontalière de pays membres de l’U.E.
Difficile de s’y soustraire et puis l’évidence de l’incompréhension, de la méconnaissance est devenue flagrante.
Des émissions télé, des dossiers de presse, des sélections de livres sur le thème “Connaître l’Ukraine”, ou appelés pudiquement “Comprendre le conflit” ont commencé à fleurir un peu partout.
Pendant ce temps, L’Archiviste prenait vie dans la tête et sous la plume d’Alexandra Koszelyk. Travail cathartique et travail de transmission à la fois, L’Archiviste naissait au même moment où Bucha, Irpin, Marioupol, Kharkiv, Borodyanka, Homostel ….
J’écris cette chronique le lendemain d’une nuit où des résidences civiles ont à nouveau été la cible de bombardements russes à Zaporizhzhya, 228 jours après le début de l’invasion.
K, le personnage principal du récit est notre guide à travers l’histoire et la culture ukrainiennes.
Mieux que tout traité de géopolitique, plus clair que tout débat télévisé ou streamé, le roman de K permet de saisir l’importance de ce qui se joue aujourd’hui à l’Est de l’Europe.
“K était encore une enfant, quand l’Ukraine était devenue indépendante; c’était d’ailleurs son premier souvenir, la liesse de ses parents lors de cette annonce historique. L’hymne avait résonné dans toute la ville, le drapeau était brandi dans le flot des mains. Ce chant adopté par la République populaire d’Ukraine en 1917 avait été interdit dès 1920 par les Soviétiques, mais avait continué d’être fredonné dans l’intimité des maisons, comme une prière dans cette vie d’emprunt, un appel au passé éternel contre le provisoire. Les paroles s’étaient révélées prophétiques: “L’Ukraine n’est pas morte.”
Alexandra Koszelyk
K est archiviste. Depuis le début de l’invasion, elle partage sa vie entre les œuvres d’art cachées dans la bibliothèque de la ville sur lesquelles elle veille les nuits et sa maman, mourante, à qui elle tient compagnie le jour.
Elle est restée seule responsable de tous les trésors patrimoniaux abrités à la bibliothèque :
“Les sous-sols de la bibliothèque avaient constitué une cachette idéale. Les choses s’étaient précipitées, il avait fallu faire vite, les archivistes de la ville avaient décidé que cette ancienne abbatiale, avec ses nombreuses galeries souterraines, étaient le lieu idéal pour entreposer les œuvres. Les objets étaient arrivés portés à bout de bras, acheminés par des hommes, des femmes et des enfants, comme si c’était leur propre cœur tombé au sol. Les longs couloirs s’étaient remplis, le profane avait peu à peu côtoyé le sacré, sans distinction ou hiérarchie. Tout le patrimoine de la région et une partie de celui de la nation s’étaient retrouvés là, dans ces galeries souterraines, à dormir à l’abri des bombes.
Puis la ville avait été prise.”Alexandra Koszelyk
Au milieu du chaos, les nuits passées à la bibliothèque, entourée par les mots, les images, les musiques de ceux dont elle avait la garde, K parvient à retrouver une sorte de sérénité.
Même si sa mère est mourante, même si elle n’a plus de nouvelles de sa sœur, Mila, journaliste partie couvrir la guerre depuis les premiers jours, K trouve du souffle et de l’espoir au milieu de ses protégés.
Jusqu’au jour où quelqu’un, un représentant de l’occupant, vient la trouver dans son abri. La raison de sa venue? La pire qui soit: non pas pour lui demander de détruire les œuvres mais de les détourner, instiller le doute, de la place pour l’interprétation. Ainsi, l’identité ukrainienne se trouverait transformée à la racine, sa transmission se ferait désormais de manière tronquée, avalée et digérée par l’identité de l’occupant.
“Il ne s’agit pas de tout changer, vous l’aurez compris, mais seulement certaines parties, détourner quelques vers, mettre un mot à la place d’un autre, gommer un personnage sur un tableau, remplacer un chef d’Etat sur une photographie, détourner un objet folklorique de son usage premier. Vous voyez bien, ce n’est pas grand-chose! Il ne s’agit même pas de destruction mais de réorganisation, voire de création! De devenir l’autrice de cette nouveauté!”Alexandra Koszelyk
Commence désormais pour K un long voyage : à la fois en elle-même et dans son histoire familiale, à la fois à travers l’histoire de l’Ukraine et des grandes figures et événements qui l’ont construite.
Aux côtés de K, le lecteur assiste à la naissance de l’hymne ukrainien sur les vers de Pavlo Tchoubynsky, à la fougue créatrice d’ Alla Horska, à l’épanouissement des couleurs ensoleillées de Maria Primatchenko, au mal du pays de Sonia Delaunay…
Il plonge dans les années Holodomor et au cœur de la révolution de Maïdan. Il découvre des pans entiers de l’histoire ukrainienne et croise les doigts pour que L’archiviste parvienne à contourner le piège de “l’Homme au chapeau”.
Le roman d’ Alexandra Koszelyk est un hommage à l’Ukraine mais aussi un cadeau inestimable offert à ses lecteurs. En puisant dans l’histoire familiale, dans l’histoire nationale, elle nous livre un récit à la fois intime et universel: le récit d’une résistance, celui d’une identité.
A mettre entre toutes les mains !
“Trois périodes de votre Histoire méritent un nouvel éclairage. Tout simplement parce qu’elles fondent votre identité qui s’y réfugie volontiers pour faire pleurer dans les chaumières. Il est temps d’y mettre un terme, d’affaiblir tout ça pour que notre histoire commune soit plus douce. Comme deux frères qui font la paix.
K ne réagissait toujours pas. Quelles étaient ces périodes dont il parlait? L’homme sortit un papier de sa poche sur lequel étaient inscrits trois mots (…):
HOLODOMOR
TCHORNOBYL
MAÏDAN “Alexandra Koszelyk
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L’archiviste de Alexandra Koszelyk
Aux forges de Vulcain, octobre 2022
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Image bandeau : Photo by Max Kukurudziak on Unsplash