[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#993366″]L[/mks_dropcap]e jeune Alexis Michalik a le vent en poupe, incontestablement. Les succès au théâtre s’enchaînent depuis Le porteur d’histoire et le bruit fracassant d’une standing ovation lors de la générale de presse parvint à mes oreilles quelque peu méfiantes. Méfiantes car les services de communication et autres attachés de presse savent bien tirer les ficelles pour attraper les spectateurs dans leurs filets, faisant feu de tout bois et transformant quelques claques enjouées en triomphe. Des connaissances aiguisèrent ma curiosité – même si elle n’avait pas vraiment besoin de l’être – en me contant que le phénomène se répétait à l’issue de chaque représentation.
Aujourd’hui, je peux témoigner à mon tour du succès d’une production parmi les plus ambitieuses, originales et virevoltantes qu’il m’ait été donné de voir. A l’heure où la mode et les contraintes budgétaires étriquent décors et effectifs sur les planches parisiennes, Michalik voit grand et se lance, comme à son habitude, dans une aventure dantesque mettant en scène pas moins de douze comédiens – sans compter que certains tiennent plusieurs rôles pour faire tournoyer mieux encore les éléments de décor et dynamiser un texte mêlant intelligemment le plus grand succès du théâtre français, Cyrano de Bergerac, et celui-là même d’Edmond.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#993366″]C[/mks_dropcap]omment ne pas craquer devant une aussi noble ambition que celle de vouloir conter la genèse de cet incontournable du répertoire ? Dans une certaine mesure, la pièce rappelle un autre immense succès, Thé à la menthe ou t’es citron. La première partie propose en effet, comme le ferait un biopic au cinéma, un portrait d’Edmond Rostand avant et jusqu’à ce qu’il écrive l’œuvre qui le rendra universellement célèbre. On se délecte à redécouvrir une période bénie du théâtre parisien, croisant au passage Sarah Bernhardt ou ces moqueurs, les Georges Courteline et autre Feydeau qui faisaient les choux gras des grandes salles nouvellement construites sur les boulevards. Puis, peu à peu, on s’immisce dans les discussions de marchands de tapis qui président à la construction d’un spectacle tenant du château de cartes, Rostand n’en ayant pas encore écrit un traître mot. La pièce finira en apothéose avec les plus belles scènes de Cyrano.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#993366″]L[/mks_dropcap]e metteur en scène et sa troupe rendent à leur discipline le plus bel hommage qui soit, dans une comédie tirant le meilleur du théâtre de boulevard comme le plus exigeant du théâtre contemporain, le tout saupoudré d’un zeste de Commedia Del Arte. D’autres génies se trouvent eux aussi convoqués dans la pièce, invariablement Georges Méliès chez ce créateur et peut-être plus inconsciemment Jacques Tati – pour ne citer qu’eux – ces faiseurs d’illusions naïves et poétiques à l’aide de trois bouts de bois, un brin de ficelle et des quintaux d’imagination. Le spectateur se trouve emporté dans un ouragan pour ne retrouver la terre ferme qu’une heure et demi plus tard, le cœur battant et l’œil humide de bonheur. Edmond se situe à l’épicentre d’un art populaire au sens le plus noble du terme. Une bonne raison de venir à votre tour vous lover dans le bel écrin du Théâtre du Palais Royal pour une énième standing ovation sans que l’on ait à vous piquer les fesses.
Edmond
Décembre 1897, Paris. Edmond Rostand n’a pas encore trente ans mais déjà deux enfants et beaucoup d’angoisses. Il n’a rien écrit depuis deux ans. En désespoir de cause, il propose au grand Constant Coquelin une pièce nouvelle, une comédie héroïque, en vers, pour les fêtes.
Seul souci : elle n’est pas encore écrite. Faisant fi des caprices des actrices, des exigences de ses producteurs corses, de la jalousie de sa femme, des histoires de cœur de son meilleur ami et du manque d’enthousiasme de l’ensemble de son entourage, Edmond se met à écrire cette pièce à laquelle personne ne croit. Pour l’instant, il n’a que le titre : Cyrano de Bergerac.
Après Le Porteur d’Histoire et Le Cercle des Illusionnistes, l’auteur-metteur en scène aux trois Molières revient pour raconter la triomphale et mythique première de Cyrano. Edmond, avec ses douze comédiens sur scène, sera « un vrai théâtre de troupe » rappelant les grandes épopées théâtrales du XIXe siècle.
Auteur : Alexis Michalik
Avec : Anna Mihalcea, Christian Mulot, Christine Bonnard,
Guillaume Sentou, Jean-Michel Martial, Kévin Garnichat,
Nicolas Lumbreras, Pierre Benezit, Pierre Forest,
Régis Vallee, Stéphanie Caillol, Valérie Vogt
Metteur en scène : Alexis Michalik
Jusqu’au 8 janvier 2017
Théâtre du Palais Royal, 38 rue de Montpensier – 75001 Paris
Site officiel du Théâtre du Palais Royal