[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]t si on essayait de laisser de côté la dimension polémique, les avis tranchés, les jugements définitifs pour s’intéresser à la seule musique ? Si on regardait objectivement, sans a priori, comme vierge de toute connaissance cet Amor Fati, premier disque solo de Bertrand Cantat ?
Peu importe ce que peuvent dire les tabloïds, les torchons, qu’on ne soit pas révisionniste et que l’on ne renie pas nos amours d’antan, Bertrand Cantat avec Noir Désir a marqué le rock d’ici et d’ailleurs, au même titre que Yann Tiersen, Dominique A ou Alain Bashung. Noir Désir sût faire connaître au plus grand nombre un peu du rock américain des années 90. La démarche sans doute moins radicale et plus accessible qu’un Diabologum, un discours politique parfois frisant la loi morale trop appuyée. Il n’empêche que Noir Désir secoua le rock français en le rendant peut-être plus mature, un peu dans la continuité de Marc Seberg.
Malheureusement, il y eu Vilnius et le temps s’arrêta. Les polémiques, les silences et les mots que l’on devrait taire. Ensuite, ce fut quelques apparitions timides. Puis, ce fut Détroit.
Malgré quelques superbes moments, on espérait une renaissance pour l’ex-Noir Désir, et pas une simple continuité dans la lignée de la discographie du groupe. Est-ce parce qu’il avance désormais sous son seul nom que sa musique s’en voit métamorphosée ?
En ouverture, Amie Nuit ressemble à un aveu glaçant, une lente oraison funèbre. Amor Fati n’esquive pas le piège de la chanson engagée, la posture un peu bêta, la démagogie mal cachée. Silicon Valley évoque un peu le Jack The Ripper d’Arnaud Mazurel, on y entend les traces de Nick Cave. C’est agréable, mais assez convenu. Par contre, ce qui est évident, c’est la volonté de Cantat d’aborder le chant d’une nouvelle manière, un spoken word plus rentré.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]n est surpris par le côté brouillon, limite totalement anecdotique, comme ce Excuse my french plus inoffensif qu’il n’y paraît. L’Angleterre surprend par son côté ultra pop comme une collision entre Gainsbourg et les Smiths. J’attendrai stimule notre attention avec ses accords de guitare déconstruits, ses cuivres discrets quand Les pluies diluviennes convoquent Alain Bashung et le Days Of Future Passed de The Moody Blues.
Anthracitéor reste le morceau le plus sobre d’un disque paroxystique parfois jusqu’à l’excès. Il faudra évoquer la puissance de Bruno Green et de Pascal Humbert, ancien membre de Passion Fodder et de Sixteen Horsepower, auxquels l’on pense souvent à l’écoute de ce disque. On passera rapidement sur le navrant, pour ne pas dire le gênant Chuis con qui fait de Shaka Ponk des confectionneurs de dentelle fine. Aujourd’hui poursuit une trame gentiment noise, c’est assez prévisible, pas désagréable mais finalement assez oubliable. Maybe I, tout en tension en dedans, restera le grand frisson d’un disque plein de passages à vide et de choses par trop convenues.
En sortant cet album sous son seul nom, c’est un peu comme si, paradoxalement, Bertrand Cantat perdait tout ce qui fait la force de son identité artistique. On l’aimerait poursuivant une trame plus dramatique, dans laquelle il excelle, celle d’un Ferré et non pas des formules fades et sans saveur.
Un disque inégal et sans grande surprise qui fera couler plus d’encre pour ce qui l’entoure que pour son simple contenu.
Bonjour,
Vos réflexions, bien qu’assez justes, manquent d’un éclairage poétique, composante aussi importante que la musique de l’album.
Merci pour votre chronique.
Bonjour, je suis de votre avis. Et mettre sur un même plan Noir Désir et Dominique A est assez drôle.
Cantat, l’artiste a chanté avec de grands noms de la scène hexagonale tels que Alain Bashung, Brigitte Fontaine. Le sombre héros a toujours cette verve singulière, écorchée, punk et poétique, qui en fait un artiste important et unique. Au pays d’Indochine triomphant, il est un des pions majeurs du rock d’ici.