[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#a83434″]N[/mks_dropcap]ous ne sommes finalement que des âmes à la recherche d’une lueur éternelle, la quête d’un monde nourri par le sang d’un ange au regard malin. Au son du tocsin et des lyres, une femme chante l’hymne d’une contrée inconnue. C’est une délivrance qui détruit l’inutile au gré d’une infatigable progression. C’est l’obscurité qui déchire le rideau céleste et vient nous bercer de douces lamentations… aussi envoûtantes qu’effrayantes. C’est un flot où les douloureuses brûlures se mêlent à d’exquises complaintes.
L’artiste qui nous offre ce souffle effroyablement radical est suédoise et répond au patronyme d’Anna von Hausswolff. La digne fille du compositeur Carl Michael von Hausswolff détient à son actif l’édification de quatre albums. C’est donc une cinquième œuvre qui vient alimenter la discographie féconde de l’intéressée.
Le nouveau né Dead Magic est symbolisé au travers d’un saisissant portrait (d’un vif assortiment rouge et noir) mystifié par une sinistre illustration, même si l’œil ne peut se détacher de cette vision d’épouvante.
Un disque qui envahit nos carcasses de gigantesques frissons pour d’autres raisons que la simple appréhension de son visuel. Seulement cinq titres au compteur du tracklisting mais un chapelet qui s’étire pour nous combler d’une transe aussi acharnée qu’un coup de pic à glace dans l’abdomen. Pour autant, il n’y a point de souffrance à l’écoute des grandes orgues qui côtoient d’immenses nappes fantasmagoriques. Des couplets d’apparence taciturne se gonflent d’une férocité déroutante qui n’est pas sans rappeler l’univers imprégné de soufre magnifié par l’immense Lisa Gerrard.
Il y a chez Anna von Hausswolff ce particularisme des saveurs, cette expérimentation aboutie dans l’emploi des matériaux. Utilisant autant sa voix pour dilater de ses hurlements le vacarme de The Mysterious Vanishing of Electra qu’une armada de drones afin d’insuffler, ici et là, les vœux d’épousailles entre un feu ardent et des froidures soutenues. À ce titre, je vous suggère de plonger sans impudeur dans l’envoutante propagation ondulatoire d’Ugly and Vengeful.
Vous l’aurez compris, la jeune femme ne fait pas dans la franche gaîté. Néanmoins, il ne faudrait pas redouter le glissement de la partition vers des caricatures de fresques aux teintes exclusivement sépulcrales. Il y a de l’intelligence, de la mesure et une logique implacable dans les enchainements de Dead Magic. Car oui, l’album exige des conditions d’audition et de palpation dignes du climat qui s’en dégage. Il est évident que le silence aux alentours est de rigueur, que la vigueur qui sort de ces entrailles mérite le repos nocturne, lorsque les vivants prennent le temps de retenir les notes accouchées dans une profonde respiration.
De cimes étourdissantes en gouffres sans fond, le trouble est quasi permanent et s’amuse à exciter nos sens. Il n’y a plus de retenue dans cette chimie aussi bileuse qu’orgasmique !
L’instrumental The Marble Eye peut alors sonner de ses tessitures harmonieuses sorties des tuyaux d’un colosse. Les bourdons sont incandescents et l’instant solennel couronne un ensemble de sublimes ornements que l’on imagine prêts à inonder la nef d’une cathédrale imaginaire. C’est encore l’orgue qui viendra clore (de son point) la magique veillée, l’élégance d’une dernière pièce apaisée et dont le titre imprononçable achève une messe dont nul ne ressortira sans être bouleversé.
Mon propre ressenti fut en tous les cas ébloui par cette fusion de majesté emplie de noirceur.