[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]remier roman de Selva Almada, Après l’orage fait déjà figure de classique. Petit livre d’à peine 130 pages, qui se dévorent, je me demande encore, après la lecture, comment l’auteur réussit-elle à installer une telle ambiance en si peu de temps. Le talent sûrement.
Un huis clos dans le nord de l’Argentine. Un révérend itinérant et sa fille de 16 ans, Leni sont en panne. El Gringo Bauer, garagiste, tente de réparer la voiture, aidé par un jeune garçon, Tapioca.
Selva Almada fait se rencontrer, se toiser, se parler et même se battre ses personnages.
En une journée étouffante, avant l’orage, et une nuit, se joue le destin de Tapioca et de Leni.
Selva Almada prend soin, tout en racontant la journée, de faire quelques retours en arrière, éclairant ainsi le destin de ses héros, de ses marionnettes allais-je écrire. Car elle les manipule avec force et détermination, faisant d’eux des objets, soumis au courroux du ciel.
Même Pearson, le révérend, se trouve à un moment, confronté à des décisions difficiles.
Ainsi sa façon de vouloir convaincre Bauer de l’existence de Dieu, comme s’il cherchait à se convaincre lui-même qu’il ne fait pas fausse route depuis des années.
L’affrontement entre les deux hommes est intense. Fait de quelques pages de conversations ou de coups de poings.
Bauer, le garagiste taiseux et renfrogné, pour lequel nous ne savons pas si nous éprouvons du dégoût ou de l’affection, peut-être finalement de la compassion, est un formidable personnage.
Un homme qui ne demande rien, qu’à vivoter tranquillement, tout en restant avec Tapioca, son apprenti.
Tapioca, lui, qui se révélera être en fait plus qu’un simple apprenti, taiseux également, ébranlé à la fois par le révérend et par Leni, prendra en main son destin avec une force inattendue.
Et enfin, il y a Leni qui incarne la subtilité féminine, le désir d’émancipation, le côté charnel.
J’ai beaucoup pensé à Des souris et des hommes à la lecture du livre de Selva Almada. Peut-être est-ce pourquoi je prends Après l’orage comme un classique.
Est-ce le prénom de Leni qui m’a influencé ? Cette présence féminine qui aimante les hommes et les pousse au mal ou au bien. Cette présence qui en tout cas fait réagir et s’animer les hommes.
Quoi qu’il en soit ce petit roman mérite le détour.
Selva Almada me semble être un auteur qui va compter en Argentine et peut-être hors de ses frontières.
Son deuxième roman, Les jeunes mortes (chroniqué ici est également une belle réussite).
Après l’orage de Selva Almada, traduit de l’espagnol (Argentine) par Laura Alcoba, éditions Métailié, mars 2014