[dropcap]E[/dropcap]n vingt ans de carrière, les canadiens d’Arcade Fire nous auront déçus une seule fois : Everything Now en 2017, qui nous avait laissé un goût d’inachevé dans la bouche et le sentiment que le groupe, pourtant peu prolifique, était déjà en manque d’inspiration.
Et pourtant, à la première écoute du nouvel album, WE, paru le 06 mai dernier, il semblerait que nous soyons en présence d’un monument dans leur carrière, comme un véritable retour en grâce : parfois les échecs permettent de rebondir et de monter le propos d’un cran, on leur pardonnera donc ces égarements sous la houlette de Thomas Bangalter (Daft Punk) et Geoff Barrow (Portishead).
Ainsi, à l’écoute du premier single, The Lightning I, II, sorti le 17 mars dernier – le jour de mon anniversaire, comme un signe providentiel d’une belle claque à venir – le curseur est monté au niveau maximum. En plus de nous livrer un clip à l’esthétique sublime, autre talent du groupe, Arcade Fire nous offre plus de 6 minutes en deux parties, passant d’une douce mélodie contemplative à une explosion sonore rappelant les grandes heures de Funeral ou encore The Suburbs. Il n’en fallait pas plus pour me convaincre que la suite serait à la hauteur de l’attente. De plus, la pochette de l’album, dévoilée dès lors, n’était pas sans rappeler celle d’un autre monument, je pense à l’album Scott 3 de Scott Walker, cela n’a sans doute aucun rapport, mais la similitude est trop belle pour ne pas la souligner.
Fermons la parenthèse des digressions, et venons en à l’essentiel : la découverte de WE.
En 40 minutes et seulement 10 titres, Arcade Fire dévoile un album concept en deux parties : la première « I », qui s’étire de Age of Anxiety I à End of the Empire IV (Sagittarius A*) et la seconde « We », de The Lightning I à We.
Win Butler a vécu, comme nous tous, une période de doute et d’enfermement : It’s the age of doubt / And I doubt we’ll figure it out / Is it you or is it me? / Age of anxiety, l’expérience personnelle faisant écho à l’expérience collective. Le ton est donné, le son est énorme, le travail sur les claviers et le côté dansant du morceau est d’une efficacité redoutable. Les teintes électro fonctionnent à merveille et c’est ce qui avait manqué en 2017. Dès le début nous sommes en présence d’un single évident, ça promet !
Nous glissons progressivement sur des touches de piano qui nous entraînent dans un autre monde, Rabbit hole / Plastic Soul, je me sens déjà comme Alice basculant dans un univers inquiétant et plastique aux sonorités métronomiques et synthétiques : la magie Reflektor refait surface.
Le temps d’un Prelude cataclysmique, et la douceur de End of The Empire I-III déroule une rythmique de guitare acoustique réhaussée du piano de Régine Chassagne. La forme est classique et ça fait du bien de les retrouver sur des terres épurées. Je pense aux Beatles période Sergent Pepper’s, ou encore à David Bowie, qui était un grand fan du groupe.
Bien que les paroles soient sombres et sans concessions, le déclin de l’empire américain – l’album a été composé pendant les élections américaines – cette symphonie pop emporte tout sur son passage et nous transporte littéralement. La suite démarre sur ces mots : I unsubscribe / This ain’t no way of life / I don’t believe the hype… critique acerbe de nos sociétés connectées, comme une envie de tout quitter, de se détacher de ce monde virtuel, la fin du « je » pour commencer à penser collectif.
Mais voici qu’une lueur d’espoir pointe le bout de son nez avec le combo The Lightning I, II… le début du «nous », la seconde partie de l’album devient plus optimiste. Le titre, Unconditional I (Lookout Kid) s’adresse directement au fils de Régine et Win, Edwin Farnham Butler IV, une magnifique ballade acoustique l’invitant à profiter de la vie même en des temps difficiles, la promesse d’un père à son fils d’être toujours là pour lui : And if you feel it, it’s fine / I give you everything that’s mine / I give you my heart and my precious time.
Unconditional II (Race and Religion), quant à lui, est parfaitement calibré pour les stades à venir, un morceau à tendance électro disco des années 80. Régine chante (à merveille) la communion entre les êtres avec Monsieur Peter Gabriel pour l’accompagner en chœur. Le « je » devient « nous » : YOU and ME could be WE / Could be / WE.
La patte Nigel Godrich se fait clairement ressentir sur ce titre, le sixième membre de Radiohead apporte une touche plus aérienne au son du groupe, la rythmique de congas est irrésistible.
Nous arrivons à la fin de l’album, une voix annonçant la « prochaine station », Win Butler nous aide à atterrir en douceur. Quand tout semble perdu, il y a toujours une lueur d’espoir semble-t-il nous dire : When everything ends / Can we do it again ?
La fin serait-elle le commencement d’un autre monde ? À méditer…
Avec son sixième album, WE, Arcade Fire réussit à revenir à son plus haut niveau, enchaînant merveille sur merveille. Un retour au source salvateur et lumineux qui mêle savamment la puissance des arrangements aux émotions, conjurant ainsi les maux que nous avons vécu ces dernières années : un remède à la mélancolie ambiante qui nous invite à croire en nous et aux autres… Une réussite !
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WE – Arcade Fire
Columbia Records – 06 mai 2022
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Image bandeau : Capture écran YouTube (clip The Lightning I, II)