Les mots de la littérature prendront les âmes en filature à l’intérieur des gens…
Cette phrase issue du roman nouvellement paru de Goran Petrovic, Atlas des reflets célestes (collection Notabilia, Éditions Noir sur Blanc) illustre parfaitement l’effet que ce livre insensé fera sur son lecteur. Quatrième texte traduit en français par Gojko Lukic, admirable traducteur et enthousiaste passeur de l’œuvre de Goran Petrovic, l’Atlas est en fait le premier roman de ce talentueux écrivain serbe que nous avons découvert il y a une douzaine d’années avec l’incroyable Soixante-neuf tiroirs (Éditions du Rocher).
Cet Atlas, véritable manifeste poétique des romans à venir, est un texte joyeux et mélancolique à la fois, parce qu’il touche aux rêves et à l’enfance, laisse entrevoir une humanité plus belle et peut-être un monde meilleur. Tout y déclenche sourires et émotions, l’envie que le temps ralentisse ou s’arrête pour que le livre, véritable fable philosophique, ne finisse jamais.
On songe à la fantaisie d’Italo Calvino, au travail sur les mondes imaginaires d’Alberto Manguel (qui signe d’ailleurs la préface), on y avance comme on voudrait atteindre le sommet de la Tour de Babel, main dans la main avec Borges.
La construction (dont on ne dévoilera rien ici, aux futurs lecteurs de s’y perdre) est bluffante, dans un esprit loufoque. J’appelle ce genre de livre « un livre TOUT », tel Pour sûr de l’acadienne France Daigle (Éditions Boréal) ou Physique de la mélancolie du bulgare Guéorgui Gospodinov (Éditions Intervalles), ces livres foutraques dans lesquels, en déambulant dans l’esprit des personnages, on traverse le monde bien joliment en devenant un lecteur-voyageur.
Voilà je ne vous ai rien dit non plus des huit personnages qui vont vous trimballer dans leurs rêves, au pays des ombres, sur des cartes ni du ciel ni de la terre, luttent contre les Vides et ont une belle âme d’enfants.
L’Atlas des reflets célestes rend le lecteur lumineux et l’homme sensible et beau, dans une distorsion de l’espace et du temps. D’une poésie rare et belle, ces pages touchent en plein cœur par leur justesse, leur sensibilité émouvante et les portes de l’imaginaire et de la réflexion qu’elles ouvrent sans cesse. Un livre indispensable au bonheur !
[box] Maladie d’automne
La mélancolique humidité se condense quelque part à l’intérieur de l’homme, celui-ci devient pareil à une feuille sèche, très beau, mais fragile. Il convient alors de ne l’approcher qu’avec grande précaution et c’est aussi de précaution qu’il doit user à son propre égard.[/box]
A lire aussi de Goran Petrovic :
Soixante-neuf Tiroirs, coll. Motifs, Editions du Rocher
Sous un ciel qui s’écaille, Les Allusifs et 10/18
Le Siège de l’église Saint-Sauveur, Le Seuil
Mardi 15 septembre, à 19h, Goran Petrovic et Gojko Lukic seront à la Maison de la poésie de Paris, soyez au rendez-vous !