[dropcap]D[/dropcap]écembre 1944. Hiro Onoda, officier de l’armée du Japon, est envoyé en mission de guérilla sur une île des Philippines. Très vite, les combats font rage et Onoda, accompagné de trois de ses soldats, perd le contact avec le reste des troupes. Les quatre hommes vont se réfugier dans la jungle et y rester cachés, prêts au combat, dans l’attente d’un signal de leurs supérieurs. Lorsque survient la fin de la guerre et que la paix est signée, les soldats japonais n’en sauront rien et tiendront leur position au risque d’y laisser leur vie. Onoda finira par se retrouver seul survivant du groupe, incapable d’admettre la défaite de son pays et il ne rendra les armes qu’en 1974, après 29 années passées isolé en territoire ennemi. Accueilli en véritable héros à son retour à Tokyo, il y meurt en 2014, âgé de quatre-vingt onze ans.
Cent ans de guerre devaient venir à bout de n’importe quel pays. Le Japon, où l’armée et le peuple combattaient à l’unisson, possédait donc une force redoutable. Si nous nous battions pendant cent ans de la même façon que nous le faisions en 1944, nous pouvions finir par gagner la guerre. »Hiro Onoda
Véritable pépite pour scénariste en mal d’inspiration, extraordinaire uchronie, odyssée solitaire, le destin d’HiroOnoda a tout pour fasciner. L’histoire, lorsqu’on on la résume, semble incroyable. Racontée par Onoda lui-même, elle prend une tout autre dimension en nous permettant de suivre les réflexions de l’officier et la façon dont il interpréta tous les signes qui lui étaient envoyés de manière à les rendre cohérents avec la logique qu’il s’était imposée. Se livrant assez régulièrement à une gymnastique mentale sidérante qui l’aidait à plier la réalité selon l’image qu’il s’en était faite, Onoda parvient à faire partager au lecteur ces moments de doute qu’il s’empressait de mettre à bas, en cherchant inépuisablement le moindre détail susceptible de lui indiquer que l’on cherchait à le piéger. Au moment de rédiger ce texte, Hiro Onoda reconnaît bien volontiers, recul aidant, que son entêtement à vouloir tordre les faits put le mener assez loin dans un aveuglement frôlant parfois le ridicule.
Étape cruciale de la formation d’Onoda, les écoles militaires de Nakano et Futamatalui inculquèrent les principes qui, ajoutés à ce sens de l’honneur si cher aux Japonais, allaient faire de lui ce soldat d’une loyauté à toute épreuve. Toute velléité de remise en question doit être étouffée au profit de la fidélité au royaume.
« Grâce à l’intégrité – et j’y inclus sincérité, loyauté, dévouement à sa mission et sens moral – un homme peut supporter toutes les épreuves et finalement transformer ces épreuves en victoire. »
Ainsi que le lui avait assuré son commandant au moment de l’envoyer au combat, Hiro Onoda était convaincu que, quoi qu’il arrive et quel que soit le temps que cela prendrait, l’armée viendrait le chercher afin de le ramener au pays à la fin de la guerre. Il lui était en même temps formellement interdit de mettre fin à ses jours. Partant du principe que ces ordres n’étaient ni discutables ni négociables, l’officier n’eut donc d’autre choix que de survivre à tout prix dans la jungle de Lubang. Au-delà de l’aspect psychologique du personnage, fascinant à bien des égards, c’est l’ingéniosité dont il fit preuve sans relâche durant une trentaine d’années qui impressionne le plus. Que ce soit pour se nourrir, se vêtir ou s’abriter, Onoda et ses compagnons montrèrent une imagination et un savoir-faire particulièrement confondants. A cet égard, les quelques planches illustrées en milieu d’ouvrage permettent de saisir précisément les trésors de débrouillardise que les soldats déployèrent.
Livre fascinant dont le postulat de départ semble inimaginable, Au nom du Japon, bien plus qu’un simple récit de guerre, est un texte hallucinant qui nous parle aussi bien de loyauté et de conditionnement que de résistance et de survie. Mais on y verra aussi et surtout un homme créer son propre monde, dans lequel le Japon ne pouvait perdre la guerre et qui, plutôt que d’envisager une défaite, construisit mentalement, pendant des années, une dystopie en laquelle il ne pouvait cesser de croire sous peine de voir s’effondrer sa raison de (sur)vivre.
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Au nom du Japon de Hiro Onoda traduit par Sébastien Raizer
La Manufacture de Livres, Février 2020.
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Image bandeau : Photo by Georgios Domouchtsidis on Unsplash