[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]uvert en 1958, c’est surtout à partir de 1962 que le Marquee club à Londres devient un véritable vivier pour les groupes en devenir des glorieuses sixties. Sur sa fameuse scène, les groupes s’y font et s’y défont. The Rolling Stones, The Animals, Pretty things… tous sont passés sur cette scène mythique. Parmi les plus emblématiques de cette scène, The Who, formation biberonnée au Rhythm & Blues de l’époque. L’image du groupe et du Marquee club resteront à jamais indissociables, notamment grâce à des visuels restés célèbres.
C’est un groupe sauvage composé de quatre fortes personnalités qui ne convergent pas forcément et se battent parfois littéralement pour avoir la vedette sur scène. Au chant, Roger Daltrey, fait tournoyer son micro, pendant qu’à la guitare Pete Townshend use et abuse de moulinets et de larsens. Keith Moon à la batterie fait tout pour attirer l’attention. Du coup, le bassiste, John Entwistle, la joue imperturbable face à cette bande d’égos. Le groupe a pris pour habitude de détruire ses instruments sur scène à la fin de chaque set. C’en est presque un argument publicitaire.
Leur premier album sort en 1965 et est porté par le tube My generation, emblème de cette époque et de cette génération qui émerge et qui se drogue aux amphétamines, d’où le bégaiement.
Jusque fin 66, les Who étaient surtout un formidable groupe de scène, avec un solide répertoire rhythm and blues, puisant notamment chez James Brown. Puis en un an, vont sortir deux albums, A quick one et Sell out, qui clôtureront la première période des Who, juste avant Tommy, qui verra le groupe partir vers un nouveau destin.
1966-67 est une période charnière, le rock devient plus adulte et les groupes cessent de reprendre leurs influences pour créer leurs propres morceaux. Fin 66, le deuxième album des Who, A quick one, leur fait franchir un palier, avec beaucoup de compositions de Pete Townshend, dont le morceau titre, leur premier opéra rock.
https://www.youtube.com/watch?v=dSfV2Fs5rP8
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]1967[/mks_dropcap] voit la sortie du jumeau de A quick one : Sell out. Il est assez difficile de séparer les deux albums, tant ils trempent tous les deux dans le même berceau créatif, ils sont les deux facettes d’un groupe en pleine période psychédélique et qui cherche à faire grandir son répertoire. A tel point qu’en en 1974, les deux albums seront réédités sous la forme d’un double vinyle, The who sell out.
Ces deux albums les voient peu à peu abandonner leurs racines R’n’B (James Brown, Motown) pour évoluer vers un son plus adulte, plus en phase avec les grands groupes rock contemporains.
Sell out est doté d’un concept plutôt rigolo, l’album est conçu comme une émission de radio, donc entrecoupés de faux jingles publicitaires, concept qui se retrouve jusque sur la pochette. sauf que certains jingles citent de vrais radios. Du reste, les Who se verront attaqués en justice pour cela.
Sell out est un album rempli de perles pop psychédéliques et qui se termine avec un mini opéra rock (sujet de prédilection de Pete Townshend), préfigurant Tommy.
Après un bref jingle, l’album s’ouvre avec le démentiel et bruyant Armenia city in the sky. Dès ce premier morceau qui ouvre la face A, le groupe est complètement dans son époque : morceau bardé de sons triturés, de trompettes, des bandes inversées, un chant noyé dans la réverb, c’est un véritable manifeste psyché. Les Who sont manifestement in the sky eux aussi, à l’instar de Lucy des Beatles et veulent montrer au monde qu’il faut compter avec eux.
Pour mieux brouiller les pistes, John Entwistle glisse un court morceau de fanfare, puis le groupe enchaine avec une sympathique ballade folk, Mary ann with the shakey hand, où il est question de rencontres avec différentes filles, mais dont la meilleure reste cette Mary aux mains qui tremblent, faut -il y voir un sous entendu grivois, mystère?
Les vocaux de l’album sont assurés en partie par Roger Daltrey, mais Pete Townshend, en compositeur principal donne également de la voix. Odorono est une perle pop, portée par sa voix et un riff de guitare entrainant.
Il faut insister sur le concept d’émission radio de l’album, car la plupart des morceaux sont donc entrecoupés de ces fameux jingles pastichant Radio London, ils sont la cheville de l’album.
Tatoo, morceau pourtant relativement calme et simple, fut longtemps dans le répertoire des Who, apparaissant même sur la période live at Leeds. Le titre est porté par la guitare qui mène le morceau, accompagnée par des choeurs angéliques. De même, Our love was est un morceau assez riche dans les ambiances, en plusieurs parties. Ces deux morceaux laissent poindre les envies de compositions baroques de Pete Townshend.
Le morceau de bravoure du disque se trouve sur la fin de cette face. I can see for miles est un autre manifeste psyché/rock, porté par une guitare, qui tremble, qui rugit et qui veut en découdre. En face, la batterie folle de Keith Moon et ses les roulements infernaux . On sent le déluge sonore et les moulinets de guitare, chef d’œuvre instantané.
La face B sera plus tranquille, mais tout aussi riche, très pop sixties, I can’t reach you est une petite perle très british, qui démontre bien le talent de compositeur de Pete Townshend, qui en profite pour la chanter.
Medac est un des rares morceaux composés et chantés par le bassiste John Entwistle et propose un morceau en forme d’interlude, dont le sujet est aussi une fausse publicité vantant les mérites d’un super produit contre l’acnée!
Relax est assez punchy, tout en progression, baigné d’orgue, dont les vocaux sont partagés par Roger et Pete, qui en profite pour proposer un solo assez furieux où l’on sent les prémices des déluges sonores à venir.
Silas stingy est une véritable composition de John Entwistle, morceau presque liturgique avec un orgue d’église, du clavecin, des choeurs a deux voix, presque une ode ou une comptine.
Rael, qui clôt l’album, (rien à voir avec la secte) est rescapé d’un projet d’opéra rock inachevé. C’est un morceau en plusieurs parties, une véritable pièce musicale, qui rappelle, A quick one et préfigure Tommy. Portée par un orgue, et chantée par Roger Daltrey, cette pépite pop est le temps fort de cette seconde face qui montre le talent d’écriture des Who et son évolution. La voix de Roger Daltrey y fait des merveilles et commence à se moduler, il deviendra rapidement un formidable chanteur. En 3e partie du morceau, soudain surgit un air de guitare que les fans de Tommy reconnaîtrons immédiatement : une préfiguration du morceau Sparks, qui sera repris en version instrumentale sur le célèbre double album en 68. Dans cette version, il est partiellement chanté.
Bref, les Who franchissent un cap en 1966-67 avec ces deux albums très british, bercés de ballades pop, de morceaux quasi hard rock, de mini symphonies. Ce ne sont peut être pas leurs meilleurs, mais ce sont des albums qui ont bien vieillis, et qui représentent une certaine époque insouciante. Historiquement, cette année 67 fut riche en chefs d’oeuvre, donc pas facile pour cet album de se frayer une place, mais c’est un bon cru, et il annonce plein de bonnes choses à venir. C’est l’album d’un groupe en gestation et qui installe désormais Pete Townshend comme un compositeur remarquable de son époque.
Sell out, comme plusieurs albums du groupe fera l’objet de nombreuses rééditions, certaines gorgées d’inédits fabuleux. L’une en 1995, l’autre en 2009, et proposeront versions alternatives, mix inédits et raretés enregistrées au même moment.
Par la suite, les Who prendront leur envol international avec Tommy et Woodstock, et ça, c’est une autre histoire…
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