[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]ette nuit, j’ai fait un rêve. J’étais en chemin à bord de notre vieille 4L toute rouillée, la musique crépitait dans les baffles, ne pouvant couvrir totalement le ronflement du moteur. Nous allions, ma mère, ma sœur et moi, retrouver les joies estivales du sable mouillé entre les orteils, les éclaboussures iodées et nos baignades rafraîchissantes. C’était l’époque de l’insouciance et des menus plaisirs vécus intensément à Trégastel, station balnéaire aux mille souvenirs d’enfance.
C’est peut-être cette nostalgie palpable, au cœur de l’irradiante Côte de granit rose, qui aura animé Baden Baden, formation se cantonnant désormais au duo formé par Éric Javelle et Julien Lardé, pour l’assemblage de leur troisième album enregistré entre les embruns armoricains et l’effervescence de notre capitale.
Quelle qu’en soit la source d’inspiration, le résultat est saisissant. Si en 2012 Coline avait déjà posée la trame de leur indie-pop remplie de vague à l’âme, la suite délivrée par Mille Éclairs (2015) m’avait littéralement bousculé au point de me conduire à l’épanchement dithyrambique de ce vif serrement des cœurs, grâce notamment à l’ascenseur émotionnel intitulé L’Élégance Avec. Dans cette lignée usant de contrastes, La Nuit Devant mixé par Florent Livet et Pavlé Kovasevic vient aujourd’hui s’ajouter à une discographie sans rature.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]’appel du rivage et la mélancolie trimbalée est d’apparence sophistiquée, sans que les textures versées ne viennent annihiler la douceur infusée par des machines omniprésentes. Les impulsions sont calibrées pour nous faire grimper au-delà de la stratosphère. Dès Beach qui ouvre ce bal très éthéré, les arrangements se superposent à l’aide d’effets offrant une nouvelle envergure à cette climatique symbiose d’humeurs et d’idées. Baden Baden joue ainsi avec les reflux, laissant supposer la probabilité d’un prolongement de ses boucles.
Il y aura également quelques résurgences vis-à-vis des productions précédentes, invariablement penchées au fond d’un scénario gorgé de spleen : une marque de fabrique qui s’opère au sein de quelques glissades véhiculées sans retenues. A cet égard, Les Débuts marque une fragilité qui se meut, se gonfle d’ardeurs synthétiques pour mieux envelopper une sensibilité amorcée sur les premières mesures de Ma Chère, morceau suivant dont la poésie effleurée se confronte subtilement à l’amertume des paroles. Dans la foulée, L’Américaine vient se déployer telle une romance cuivrée. Son pont majestueux introduisant des nappes aussi froides que mélodiques en sera la ligne d’horizon, venue emporter la valse de traces enfouies en nos mémoires. Le seul regret ? Que cette escalade ne puisse grimper encore plus haut !
Baden Baden avec Les Longs Formats ose la mélopée robotique en balancement avec une rythmique soutenue bien qu’en mode alternatif. Exil, dans un tout autre style, flirte avec les compositions fignolées par Alain Souchon et Laurent Voulzy. Parmi les mystérieux morceaux sans voyelles (4 au total pour l’œuvre), il faut saluer la synth-pop vibrante de PLV virant progressivement en direction d’un torrent de larmes… Insufflé par une guitare aiguisée à merveille et des échos qui s’épuisent dans la brume marine pour nous tirer d’un sanglot étouffé.
Si l’ensemble est un plaisir d’écoute total, il y a bien une piste qui se détache du lot de par sa faculté à décupler le frisson. Post Romantique épouse des accents new-wave, un véritable accroche-cœur, une fixation cérébrale, une addiction tout aussi entraînante que lumineuse …
Après un faux départ, BH ouvre ses ailes pour une tentation d’inspiration dream-pop (impossible de ne pas songer à l’univers de Beach House) dont le chagrin vocal viendra se perdre dans les profondeurs. LMR se noie dans ce vaste étendu, la force des éléments se confondant, de fait, à l’ambivalence des sentiments.
La Nuit Devant s’achève alors après un récital de toute beauté, magnifiant une délectation pour les grandeurs exposées malgré la grisaille environnante. Jusqu’à la dernière note, j’ai fermé les yeux et tendu l’oreille avec l’impression de retrouver la plage des curés, la grève blanche… La Mer !
La Nuit Devant – Baden Baden
disponible depuis le 4 octobre 2019 chez Starlite Rec. / Kuroneco
Baden Baden – Starlite Rec. – Kuroneco