[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]e pensais sincèrement vous parler en long, en large et en travers de Dialogues, quatrième album de Motorama et puis voilà que la chose vient effleurer avec un peu d’avance mes oreilles. Autant être cash avec vous, confronté à une énorme déception j’ai préféré rebrousser chemin. Me voici donc privé de bafouille dithyrambique pour une suite à leurs pulsations minimales froides. Comme je déteste le sentiment de frustration, il me fallait un plan B. Seulement voilà, les sorties du moment ne répondaient pas véritablement à ma recherche d’ersatz. Certes, des choses plaisantes mais pas grand-chose à se mettre sous la dent du côté des sonorités labellisées dark & cold.
C’était sans compter l’inspiration d’un bon samaritain officiant pour le distributeur indépendant Differ-ant. Je retrouvai ainsi dans ma boîte aux lettres une enveloppe dans laquelle était glissé un album avec une jeune et intrigante fille brune en couverture. Je glisse alors le CD dans le lecteur pousse le volume et me retrouve en tête-à-tête avec une brève Interdiction hurlante me laissant l’impression d’être le dindon de la farce d’un mauvais gag.
J’étais donc sur le point de lâcher l’affaire à l’écoute des affreuses vociférations digitales mais, la fulgurance de mouvement n’étant pas incluse dans le paquet considérable de mes qualités, la piste 2 de l’album pouvait filer avec son post-punk synthétique, contemporain et sautillant.
Iron Lung (sans rapport avec Radiohead) m’obligea donc à la retenue avec ses airs dansants légèrement sombres. Les battements secs vinrent se frotter sur un terrain très (trop ?) connu. Autant vous dire que mon désir d’appuyer sur la touche STOP et de remettre l’écoute à plus tard était bien mal engagé.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]’objet du délit It’s Immaterial a été composé par le groupe Black Marble… Enfin, quand je parle de groupe c’est vite dit puisque j’apprends assez vite que le projet composé à la base de trois gaillards n’est plus que le bébé d’un seul, en l’occurrence Chris Stewart, réellement au four et au moulin de l’assemblage qui s’offre à nous.
Je poursuis donc la suite de mon attentive écoute en enchaînant avec It’s Conditionnal dont la synth-wave se trouve quelque peu chloroformée par un chant plongé dans un bain d’éther. J’avoue que le procédé est tout de même moins indigeste que cette ignoble mode actuelle à tout vouloir rafistoler à base d’auto-tune. Si sur certains autres titres l’astuce est moins appropriée, elle est ici placardée au service d’une humeur sympathiquement magnétique bien qu’agoraphobe.
C’est avec Woods que l’habillage sonore minimaliste se déploie dans une antithèse aux vibrations électroniques accélérées. Les tonalités sont plus graves, les nappes surréalistes se mêlant à des accords plaqués avec un soupçon de solennité timide.
« why can’t you come right out »
L’intéressé s’expliquera sur la teneur de cette évolution d’humeur du fait d’une migration géographique mais pas seulement :
« Il y a beaucoup de troubles d’ordre psychique quant au temps et l’espace, l’insatisfaction liée au fait d’être jeune et de ne pas maîtriser l’espace, et celle d’être vieux et de ne plus maîtriser le temps »
Explication permettant de comprendre une certaine stagnation dans les développements tout en justifiant le recours à des sensations datées (ou comment faire du neuf avec de l’ancien pour parler un peu plus franchement)
Une fois passé ce cap, la base du disque devient répétitive, le chant quasi maladif et malgré quelques versants pop carrément brillants (Frisk – Collene) l’étirement devient, à force, un peu plus difficile à digérer… Comme si les meilleures pièces avaient été jetées en préambule pour un EP de très belle facture mais que, par soucis de délivrer un grand format (un peu moins de 40 minutes au compteur), le rendu final se serait trop voilé au contact de quelques légères lacunes solitaires.
Il n’en demeure pas moins que cette fabrication artisanale recèle de parfaits éclairs inspirés qui justifient une signature avec le label Ghostly International et par ricochet l’intérêt de ceux qui voudront nourrir leur collection avec un disque loin d’être révolutionnaire mais qui, pour autant, n’est pas dénué d’un certain pouvoir d’attraction. Sans doute une histoire de nostalgie révisée au goût du jour et/ou tout simplement la preuve que certaines alternatives peuvent apparaître par magie et que, rien que pour ça, elles imposent un regard bienveillant. Le flux et le reflux incessant d’une musique qui ne peut me laisser de marbre.
Mes remerciements iront à Loïs Trompesance pour son aimable contribution à la découverte de cet album disponible auprès de toutes les bonnes adresses depuis le 30 Septembre 2016.