Chantres du bon goût, de la bienséance et de la délicatesse, passez votre chemin et allez voir ailleurs que chez Addict. Car après une chronique pas piquée des hannetons sur le dernier album d’Aïeronne Meyedeune (c’te honte), voici venir là, maintenant, tout de suite, une chronique sur le boy’s band norvégien peroxydé pour midinettes en mal de sensations fortes, à savoir A-ha.
Quoi ??? y a pas autre chose à foutre que de chroniquer le dernier A-ha ?? Comme s’ils en avaient besoin… Franchement, ils sont bourrés de thunes, font de la musique de merde, n’en ont rien à foutre des critiques et encore moins des chroniqueurs d’Addict puisque de toutes façons ils vendront leurs disques par camions entiers. Certes vous répondrai-je mais le cas est plus complexe qu’il n’y paraît. Parce que, sous des dehors de musique facile pour adolescentes pubèrement dérangées, le trio a tout de même pondu au pire des morceaux devenus des classiques avec le temps (on peut penser ce qu’on veut de Take On Me, The Sun Always Shine On TV ou Stay On These Roads, mais trente ans après ils tiennent tout à fait la route malgré un mixage très daté) au mieux un excellent album (Scoundrel Days) voire un classique (Analogue, sur lequel je reviendrai pour ses dix ans en novembre).
Cast In Steel arrive ce 4 septembre précédé d’un certain nombre de casseroles laissant à penser que les norvégiens se payent un peu la fiole de leurs fans. Quand on entend le groupe dire qu’il revient, après un break de cinq ans, parce qu’ils ont de nouveau des choses à dire (bien qu’ils aient précisé en 2010 qu’il y avait plus de chances qu‘Abba se reforme qu’eux), on peut légitimement se permettre de mettre en doute leur parole. D’autant plus qu’entre 2010 et 2015, chaque projet solo des membres s’est soldé par des fours. Alors quand en plus on apprend que la tournée passera seulement par les pays où ils ont amassé le plus de pognon, on peut se dire que le cas A-ha est plié et qu’ils se foutent bien de notre gueule. On plie les gaules, on laisse tomber ?
Ben non, le cas du trio mérite qu’on s’y attarde. Le groupe a tout de même trois décennies de musique derrière lui, une discographie assez riche (dix albums, quelques lives et je ne compte plus les singles) et un savoir-faire certain en matière de composition. Les réduire à un boy’s band seulement capable d’écrire des bluettes électro-pop avec refrains faciles serait certes simple mais pour cela il faudrait faire fi d’Analogue où le groupe délaissait justement cet aspect électro-pop pour une musique plus profonde, mature et organique ainsi que de Scoundrel Days, album d’électro-pop certes mais ressemblant plus à une lettre d’adieu écrite par un dépressif au bout du rouleau ne sachant que choisir entre la corde, les médocs ou les armes blanches qu’à un disque insouciant et primesautier.
Cast In Steel, parce qu’il faut bien y arriver, lorgne plus du côté de Foot Of The Mountain sans renier pour autant Analogue. Pour bien ferrer l’auditeur, le groupe place d’entrée de jeu deux morceaux crève-cœur dans lesquels l’électro se retrouve en arrière plan pour un traitement plus organique (cordes + guitares), où leur science du refrain mélancolique peut s’épanouir plein pot, aidée en cela par des arrangements somptueux (Under The MakeUp évoquant John Barry), laissant augurer du meilleur pour la suite. Après cette accroche, le groupe revient à ce qu’il maîtrise le mieux depuis trente ans : la pop, qu’elle soit électro ou non. Pour cela il aligne deux bijoux putassiers en diable mais suffisamment élégants et racés pour confirmer l’excellence de l’introduction et donner envie de continuer l’écoute. D’abord The Wake, qui combine le A-ha traditionnel, pop, au Depeche Mode d’Ultra ainsi qu’à New Order (ok, je sors les défibrillateurs, j’en vois dans l’assistance qui viennent de défaillir à l’idée d’associer A-ha à New Order). Puis Forest Fire, morceau catchy, léger, absolument imparable, doté d’un superbe refrain dans lequel le trio se laisse aller à une mélancolie qui leur est singulière. Arrive ensuite le classieux Objects In The Mirror, ballade mid-tempo au refrain imparable, aux arrangements soyeux, au break étrange. L’album ensuite oscille entre ces deux pôles, la pop électro des débuts mais adaptée à nos jours ou celle, organique et boisée, d’Analogue. Pour le meilleur sur le lyrique et crépusculaire Living At The End Of The World (sur laquelle on trouve des réminiscences de Birthright ou Stay On These Roads) ou le pas terrible avec l’agaçant et pataud Door Ajar. Puis, après avoir comblé le fan de base, le groupe semble s’affranchir de ce qu’on attend de lui et fait ce qui lui plaît; Cast In Steel prend les chemins de traverse et change alors de directions. Celles-ci deviennent moins évidentes, plus sombres et surprenantes évoquant souvent les rythmiques lourdes de Depeche Mode (le semi-convaincant Mythomania ou le plus passionnant Giving Up The Ghost, alliant complexité et fluidité), changeant d’atmosphères parfois dans un même morceau, parvenant à associer lourdeur et légèreté (les beats pesant de Shadow Endeavors se mariant à un refrain très aérien). Le groupe se permet même de terminer Cast In Steel par un Goodbye Thompson absolument somptueux, évoquant à la fois Radiohead, en tout début de morceau et The Left Banke dans les chœurs du refrain.
Bref, le cas A-ha est tout sauf simple : d’un côté il y a la machine à fric, évidente quand on regarde le marketing ( vous voulez le vinyle ? pas de problème. Il faut juste savoir qu’il ne contient que 10 titres en lieu et place des 12; le cd ? pas de problème, on vous propose la version normale ou celle, deluxe, avec un deuxième disque et si vous êtes fan hardcore, la version Fanbox), de l’autre trois musiciens maîtrisant parfaitement leur couplet/refrain. Capables, même dans les moments les plus pénibles, de pondre des mélodies qui parviendront à vous scotcher (Door Ajar), à peaufiner l’écriture de leurs morceaux en soignant les détails, faisant en sorte qu’à chaque écoute l’auditeur découvre un nouvel arrangement, une nouvelle ligne de guitare qui lui avait échappé la fois précédente.
Curieusement, dès qu’on évoque leur musique et non l’aspect commercial, force est de reconnaître qu’il y a chez A-ha une honnêteté assez désarmante. Le trio, après trois décennies d’activité, semble s’efforcer à chaque disque d’offrir le meilleur de lui-même en tentant de satisfaire par la même occasion ses auditeurs sans se foutre d’eux. Parfois c’est brillant sur presque toute la longueur (Analogue), parfois l’équilibre est précaire entre merveille et accessoire (Foot Of The Mountain capable du meilleur avec Shadowside ou de l’anecdotique avec Riding The Crest) et d’autres fois c’est à la limite de l’inaudible (Lifelines). Vous l’aurez compris, Cast In Steel fait quant à lui parti du haut du panier, clairement en-dessous d’Analogue mais un poil au-dessus de Scoundrel Days. Pas si mal que ça pour un groupe qui ne se reforme que pour le pognon quand on y repense, non ? En tout cas, on pourra dire ce qu’on veut de A-ha, mais contrairement à certains groupes sur le retour (les Stones, PIL, etc…), eux ont au moins la décence de sortir un disque digne de leur talent. Après, qu’on apprécie ou non, force est de reconnaître que Cast In Steel est, malgré quelques ratés (Door Ajar et She’s Humming A Tune notamment), de la belle ouvrage.
Sortie chez Universal depuis le 04 septembre en dehors de l’hexagone, le 11 en France chez tous les disquaires dotés d’une clientèle d’adulescentes quadras en goguette ou plus simplement au supermarché le plus près de chez toi.
L’article le plus attendu de ce mois de septembre parait enfin et c’est bon 🙂
Merci M. Aussudre, vous êtes fort urbain.
Cast In Steel est effectivement un des meilleurs album du groupe, derrière l’excellent Analogue. Mis à part She s Humming A Tune que je trouve très réussi et Living At The End Of The World dont le refrain ne m’a pas convaincu et me dérange un peu, j’adhère complètement à cette chronique et à l analyse musicale de ce nouvel album. Même constat concernant les comparaisons avec les autres albums (ah! Ce Lifelines qui ouvre sur trois très bons titres avant de s’égarer et de nous perdre). Cher chroniqueur, vous maitrisez bien votre sujet, c’est loin d’être un exercice facile, tout comme l’est un retour artistique hautement réussi comme celui de A-ha. Très belle chronique pour un très bel album!
Même si je ne partage pas tout ce qui est écrit (notamment à propos des « ratés » et particulièrement la petite merveille « She’s humming a tune ») j’ai beaucoup apprécié cette chronique (d’une résurrection annoncée…).
Je ne peux qu’approuver ces mots : « force est de reconnaître qu’il y a chez A-ha une honnêteté assez désarmante »…
Le groupe a l’insolence d’ignorer l’artillerie lourde et indécente de la machine à sou, les critiques qui le réduisent à une « marque »… Ils ont l’affront de revenir sans scrupules (en apparence) après un « ending on a high note » qui sonnait pourtant comme un point final !
En écoutant « Cast in steel », on comprend pourquoi. L’album est tout simplement au-dessus de ces considérations ; il s’impose comme une évidence artistique.
Je suis enchanté de leur retour surtout avec un tel album. J’aurais détesté une galette sans saveur mais force est de constater que ce disque est vibrant et s’insinue jour après jour comme un élixir fantastique. Mélodies toujours aussi entêtantes et des compos qui parviennent encore à surprendre. Giving up the ghost par ex ou encore she’s humming a tune. Mention spéciale à objects in the mirror, véritablement obsédante. La voix de Morten me procure toujours cette émotion mêlée de nostalgie et de chaleur, de classe et de rondeur. Parfois vibrante, toujours émouvante.
Un album homogène et de qualité. Tous les titres ont leur place même si certains se détachent : cast in Steel (une merveille), objets in the mirror, the wake (meilleure chanson de Morten depuis longtemps) ou giving up the ghost.
Une gazette qui devrait bien vieillir en espérant que ce ne soit pas la dernière s’ils ont encore de si belles choses à partager.
Hello Jism,
Merci pour cette critique marrante de l’album Cast In Steel de a-ha, que jamais les chantres du bon goût (cf les Inrocks…) ne s’abaisseront à chroniquer, préférant la merde pondue par les rappeurs…
Merci de nous dire que certains dans le groupe sont de retour pour le pognon (Hello Morten, tu dois te reconnaître avec ta splendide hypocrisie); notons que Paul voulait continuer en 2010…
Je ne suis pas toujours d’accord avec vous,: shadowside ne me fait pas d’effet, la production est mauvaise, et y en a ras le bol des titres lents (pires que la tortue de La Fontaine) par contre Riding the crest est réjouissante par son incroyable débilité (il fallait oser).
Il y a un truc que je ne comprends pas: Lifelines est inaudible pour vous? Avec les magnifiques chansons de Paul? Avec le Cannot Hide de Morten? Alors là je n’y crois pas!
Sinon, un autre album de a-ha, non cité par vous, et qui fiche bien le bourdon, bien plus rock que ce que a-ha avait pu faire, c’est » Memorial Beach », produit par David Z (Prince)….Chanson phare: « Cold as stone »…Pour se foutre une balle, je conseille « Locust »…
J’attends votre chronique de l’album Analogue, avec les très belles chansons de Paul: « Keeper od the flame » (magnifique), white dwarf, « over the treetop. »
Vous pouvez aussi chroniquer l’album « East of the Sun West of The moon », que j’aime beaucoup, avec le très réussi « Early Morning »!!!
Merci pour votre effort,
bye
Bizzzzzzzz!!