C’est si limpide et si touchant. On l’appelait Bebeto (Dargaud), la nouvelle BD de Javi Rey, revisite avec bonheur les années d’une enfance nourrie au football et aux glaces de bord de mer, avec pour personnage principal le jeune Carlos. Contre toute attente, celui-ci va se lier d’amitié avec un autre jeune au comportement très singulier.
La nostalgie a encore de beaux jours devant elle, tant elle est source d’inspiration et d’émotion. L’histoire que nous conte Javi Rey prend racine à Sant Pere, une banlieue de Barcelone.
Au cours de cet été 1990, on fait la connaissance de Carlos et de son grand frère protecteur Miguel. Dans la cour de l’immeuble, les gamins vivent au rythme des jeux, du Tour de France et des petites bisbilles. Mais le spectacle est ailleurs, sur l’un des balcons, où la mère de Bebeto danse nue en se prenant pour une chanteuse célèbre…
Quatre ans plus tard, nous retrouvons tous les protagonistes. C’est toujours l’été et Miguel Indurain s’apprête à remporter un 5e Tour d’affilée. De quoi emporter Mémé Ilu sur un petit nuage. À ses côtés, Carlos écume de longues journées à passer le temps. Il n’y a bien que la découverte des oiseaux urbains de Sant Pere et les triangulaires sur les terrains – des aires de jeux en béton où des générations se succèdent pour y taper le ballon – qui réussissent à le sortir de sa torpeur.
Le principe des triangulaires ? Deux équipes de cinq joueurs s’affrontent pendant que la troisième attend dans les gradins. En réalité, le nombre d’équipes n’est pas limité à trois. Chaque équipe attend son tour pour jouer. Sur le terrain, l’équipe qui gagne continue de jouer, tandis que celle qui perd rejoint les gradins et attend de pouvoir participer à nouveau. Le problème, c’est qu’un jour Carlos et ses copains se retrouvent à quatre. Alors, contre mauvaise fortune bon cœur, ils vont chercher Bebeto l’hébété. Juste pour faire le nombre.
Malgré la différence, patente entre une bande de joyeux ados en mal de sensations fortes et le fils de celle qui tape régulièrement dans les boîtes, les uns et les autres vont apprendre à se découvrir. L’histoire se densifie pour faire ensuite entrer dans le cercle la cousine de Bebeto, la pétillante et jolie Sorrow. Entre deux sorties sur les rochers et une balade improvisée en dehors de la ville, Carlos ne va pas rester insensible à son charme.
Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille et Javi Rey sait nous conduire sur le chemin de sentiments tortueux, où la légèreté de certains dialogues contraste ainsi avec la douleur de la perte d’un être cher. Maniant le chaud et le froid, il mélange instants poétiques et moments de grâce avec une envie d’ailleurs impossible, où la colère le dispute parfois à la tristesse.
La simplicité du cadrage et la mise en couleur renforcent la dimension touchante et attachante de la bande-dessinée. De quoi garder longtemps en tête le souvenir de l’insaisissable Bebeto.